RHÔNE-ALPES
La révolution industrielle, creuset de l'identité régionale
Il serait vain de faire remonter une histoire rhônalpine commune à toutes ses parties au-delà de la fin du xviiie siècle et du début du xixe siècle, période qui voit les forces économiques de la première révolution industrielle réaliser une unité régionale que l'histoire politique et sociale de la France d'Ancien Régime ne laissait pas deviner. Tout commence par l'extraordinaire développement, à l'échelle régionale, de la fabrique lyonnaise de la soie, et plus largement du textile, développement relayé ensuite par d'autres filières industrielles et d'autres centres urbains, comme Grenoble. La filière textile commence par les mûriers plantés dans le couloir rhodanien, qui alimentent les magnaneries – aujourd'hui disparues – et les moulinages et filatures d'Ardèche et du Vivarais. Au fil des crises sociales du xixe siècle, des dizaines de milliers de métiers à tisser, mis au point par Jacquard, à Lyon en 1801, se concentrent dans les quartiers lyonnais avant d'essaimer dans les campagnes du Beaujolais, du Forez, du Dauphiné.
Au-delà de la soie, bientôt disparue, puis de la soie artificielle (viscose), inventée par le comte Hilaire de Chardonnet près de Lyon, une industrie textile très diversifiée se met en place, organisée par les capitaux de la métropole régionale, sous la forme d'un actif réseau de production et d'échanges, englobant des villes grandes et moyennes comme Saint-Étienne (rubanerie) et Roanne (bonneterie), et une myriade de petites villes, dont Tarare (mousseline), Saint-Rambert (la schappe, tissage de déchets textiles) Vienne, Cours, Thizy... Ces mêmes capitaux lyonnais ont fondé les principales compagnies minières du bassin stéphanois, à la suite de la mise en service des premières lignes de chemin de fer en France, stimulant à leur tour la sidérurgie et la métallurgie du Gier. Enfin, cette même accumulation de capitaux combinés aux réseaux familiaux et banquiers de la place lyonnaise permet le foisonnement industriel, chimie lourde et fine, métallurgie, mécanique, automobile, des années 1880-1914, activités toujours organisées sur une forte assise régionale avant de donner naissance, après 1945, à de grands groupes nationaux puis mondiaux (Gillet et Rhône-Poulenc, puis Aventis ; Berliet, puis Renault Véhicules industriels devenu Renault Trucks ; Pechiney, etc.).
En dehors de l'influence directe de Lyon, d'autres filières d'innovation industrielle sont venues renforcer la cohésion régionale : le ciment mis au point par Louis Vicat à partir du calcaire de Chartreuse (1817) et Léon Pavin de Lafarge au Teil (Ardèche), fondateurs des sociétés éponymes, et surtout la découverte à Rambert (Isère), en 1869, par Aristide Bergès, du potentiel énergétique du turbinage de l'eau sous conduite forcée. Les Alpes du Nord, à partir du foyer et des capitaux grenoblois, s'équipent, bien avant le reste du monde industrialisé, de barrages. L'électricité produite génère un extraordinaire développement des applications hydroélectriques, particulièrement l'électrochimie et l'électrolyse de l'aluminium dans la Tarentaise, la Maurienne, la Romanche. Si la plasturgie, concentrée autour d'Oyonnax (Plastic Valley), est issue de la reconversion locale de l'artisanat jurassien, l'industrie du décolletage dans la vallée de l'Arve est le produit indirect de l'influence genevoise. L'origine en est la diffusion de la sous-traitance de l'industrie horlogère suisse d'Annemasse à Cluses, puis sa disparition, victime en 1918 du régime douanier. Les petites entreprises locales ont trouvé dans le décolletage une excellente opportunité de reconversion, puisque 70 p. 100 des entreprises françaises du secteur sont concentrées dans cette vallée. Cet épisode illustre bien les caractéristiques propres de l'économie[...]
La suite de cet article est accessible aux abonnés
- Des contenus variés, complets et fiables
- Accessible sur tous les écrans
- Pas de publicité
Déjà abonné ? Se connecter
Écrit par
- Franck SCHERRER : agrégé de géographie, professeur de géographie, aménagement de l'espace et urbanisme à l'université Lyon-II
Classification
Médias
Autres références
-
AUVERGNE-RHÔNE-ALPES, région administrative
- Écrit par Encyclopædia Universalis
- 163 mots
- 1 média
La région Auvergne-Rhône-Alpes a été créée par la loi du 16 janvier 2015 – relative à la délimitation des régions, aux élections régionales et départementales et modifiant le calendrier électoral – effective depuis le 1er janvier 2016. Elle est formée des deux anciennes régions...
-
FRANCE - (Le territoire et les hommes) - Espace et société
- Écrit par Magali REGHEZZA
- 14 004 mots
- 4 médias
...et le dynamisme industriel ne concerne plus les mêmes régions. Les deux premières régions industrielles françaises sont l’Île-de-France et l’ex-région Rhône-Alpes, ce qui rappelle la permanence de la fonction industrielle des métropoles. Les régions parisienne et lyonnaise accueillent toujours des constructions... -
ANNECY
- Écrit par Franck SCHERRER
- 691 mots
- 2 médias
Annecy, commune-centre (53 043 habitants) d'une aire urbaine de 221 111 habitants (recensement de 2012), chef-lieu de Haute-Savoie, est une ville indissociable de son lac, tant l'un et l'autre sont liés dans l'imaginaire collectif. Annecy est sise au bord même du lac, au débouché d'une cluse, à...
-
BOURG-EN-BRESSE
- Écrit par Bruno BENOIT
- 542 mots
- 2 médias
Bourg (prononcer Bourq), commune de 42 146 habitants (en 2012) et chef-lieu du département de l'Ain, est située au sud-est de la plaine de l'Ain, à 226 mètres d'altitude, au pied des collines du Revermont, sur la rive gauche de la Reyssouze. La ville de Bourg est associée, sur le plan identitaire,...
-
CHAMBÉRY
- Écrit par Pierre PRÉAU
- 692 mots
- 2 médias
Chef-lieu du département de la Savoie, Chambéry comptait 181 533 habitants dans l'unité urbaine et 60 029 dans la commune selon le recensement de 2012. Les comtes puis les ducs de Savoie ont fait Chambéry, en y établissant leur capitale en 1232. Agrégeant peu à peu leurs domaines, ils étaient en...
- Afficher les 9 références