BOFILL RICARDO (1939-2022)
L'architecte catalan Ricardo Bofill est né le 5 décembre 1939 à Barcelone. Après des études conduites à l’École technique supérieure d’architecture de Barcelone (dont il sera expulsé à cause de ses activités politiques, en pleine période franquiste) puis à l’École d’architecture de Genève, il construit dès le début des années 1960 des édifices remarqués. Il travaille d'abord dans la veine organique, foisonnante, attentive aux effets de matières qui est celle de l'école de Barcelone. En 1963, il crée le Taller de arquitectura, atelier pluridisciplinaire qui connaît une grande notoriété grâce à son inventivité formelle et à un sens du spectaculaire souvent emphatique. Une inspiration abstraite et moderniste, de type cubiste, s'y mêle à divers traits pittoresques et régionalistes, et surtout à un parti architectural très affirmé, comme dans les ensembles touristiques de la Muraille rouge (1966-1968) et de Xanadú (1968-1971), près d'Alicante. Plusieurs opérations de logements lui permettent de développer une architecture urbaine originale à partir de savantes combinatoires de cellules répétitives : le quartier Gaudi de Reus, près de Tarragone (1964-1972), l'expérience avortée de Cité dans l'espace, à Madrid, et surtout le complexe de Walden 7 à Sant Just Desvern (1970-1975), « casbah monumentalisée qui, au lieu de se développer au sol, se déploie dans l'espace », vaste agrégat de 368 logements, énorme masse trapue et close de seize niveaux, trouée de patios saisissants aux effets vertigineux, que Bofill entend situer aux franges de l'utopie.
Associé à l'équipe de Paul Chemetov et de l'AUA (Atelier d'urbanisme et d'architecture) pour le concours de la ville nouvelle d'Évry (1971), Ricardo Bofill s'implante rapidement en France, notamment avec une proposition pour Cergy-Pontoise (la Petite Cathédrale). Entré en 1974 dans l'entourage du président Valéry Giscard d'Estaing grâce au ministre de la Culture, Michel Guy, il propose, pour le jardin des Halles, à Paris, une composition en ellipse dédiée au Bernin, annonciatrice de la démarche historiciste et baroque qui devient la sienne. Divers projets se succèdent pour le même site, marqués par d'incessantes polémiques tant chauvines que stylistiques (on dénonce le concepteur « pompier ») et d'embûches politico-administratives. Ils aboutissent à une lourde proposition sur arcades, d'esprit néo-haussmannien, dont la construction commence en 1977 et qu'en décembre 1978 le nouveau maire de la capitale, Jacques Chirac, fait abandonner et détruire.
Ricardo Bofill devient alors le chantre d'un urbanisme traditionaliste et monumental, clairement articulé autour des espaces publics, très caractéristique de la période postmoderne. Il décline ce registre à une échelle considérable, pour des centaines de logements, avec un sens aigu des relations politiques, du jeu médiatique et du marketing, du parti architectural qui fait slogan et de la rationalité constructive. Bofill propose de grands dispositifs urbains, particulièrement dans les villes nouvelles, les quartiers neufs et les périphéries : les Arcades du lac, dites « Versailles pour le peuple », le viaduc et les Temples du lac à Saint-Quentin-en-Yvelines (1974-1982), les Échelles du baroque à Paris, dans le quartier de Montparnasse (1979-1985), le Crescent des colonnes de Saint-Christophe à Cergy-Pontoise (1981-1985), la Bastide à Bordeaux (1988, abandonnée en 1994) et surtout, à partir de 1979, les vastes opérations d'Antigone, un quartier de Montpellier qui s’étend sur 36 hectares de terrain.
Ricardo Bofill conçoit des plans et des projets pour de très nombreux pays (Espagne, États-Unis, Russie, Italie, Suède, Pays-Bas, Chine, Japon, Luxembourg, etc.) et met en œuvre une esthétique néo-classique aux codes[...]
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Écrit par
- François CHASLIN : critique d'architecture
- Encyclopædia Universalis : services rédactionnels de l'Encyclopædia Universalis
Classification
Média
Autres références
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ARCHITECTURE CONTEMPORAINE - Une architecture plurielle
- Écrit par Joseph ABRAM , Kenneth FRAMPTON et Jacques SAUTEREAU
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...qu'elle n'offrait plus guère d'intérêt. C'est cet éclectisme qui distingue M.B.M. de l'étoile de l'école barcelonaise, un ancien membre du groupe R, Ricardo Bofill et son Taller Studio, dont l'œuvre s'apparente, en un langage nouveau, à la rhétorique exotique, hybride et maçonnique du mouvement catalan Modernista.... -
MONTPELLIER
- Écrit par Encyclopædia Universalis et Jean-Paul VOLLE
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...des années 1970. La municipalité élue en 1977 prolonge ce projet en inversant ses logiques : Antigone est défini dès le départ comme l'anti-Polygone. Sur une trentaine d'hectares, Ricardo Bofill dessine, autour d'un axe central troué de places, une architecture néo-classique monumentale pour quelque...