BACCHELLI RICCARDO (1891-1985)
Né en 1891 à Bologne, Riccardo Bacchelli fait ses débuts dans les années de l'après-guerre, et participa activement au mouvement de La Ronda, dont il est l'un des fondateurs. Cette revue romaine prône autour de 1920 le « retour à l'ordre », dont on connaît d'autres exemples en Europe à la même époque. Il s'agit de réagir contre toute espèce de modernisme, et notamment le futurisme, qui commence alors à s'essouffler. Cardarelli, Barilli et, précisément, Bacchelli revendiquent le classicisme comme un idéal, et le poète Leopardi était l'un de leurs modèles préférés.
Après quelques tentatives poétiques d'une portée limitée, Bacchelli se consacre essentiellement au roman, et surtout au roman historique, où il a donné le meilleur de son œuvre. Il Diavolo al Pontelungo (1927) est inspiré par la vie de Mikhaïl Bakounine, après son arrivée en Italie, et par l'échec de sa tentative d'insurrection anarchiste à Bologne en 1874. Le livre laisse principalement le souvenir d'un déclin, d'une lassitude et d'une désillusion croissantes. Mais c'est surtout l'énorme roman cyclique des Mulini del Po (1938-1940) qui a rendu célèbre Bacchelli et lui a conquis la faveur d'un large public. Il s'agit cette fois d'une vaste saga familiale, qui couvre un siècle entier, entre la retraite de Russie et la victoire du Piave, en 1917, et se situe dans le monde paysan de la basse plaine du Pô. Comme on pouvait s'y attendre, l'histoire familiale est ici placée en contrepoint de l'histoire nationale qui jalonne ces quelque deux mille pages. Le roman témoigne d'un souffle indiscutable, mais peut-être quelque peu bridé par les contraintes que la vérité objective exerce sur le libre jeu de l'imagination. Le problème, certes, n'était pas nouveau, et il faut admettre que le modèle des Promessi Sposi de Manzoni continuait d'exercer une fascination que des épigones, tels que Bacchelli, subissaient sans avoir véritablement la force d'en assumer toutes les exigences.
C'est aussi un récit historique que La Congiura di don Giulio d'Este (1931). Ici, la réussite est plus évidente, peut-être justement parce que le prétexte est moins ambitieux. Le fait est que l'évocation de la cour fastueuse et cruelle des ducs d'Este à Ferrare apparaît dans ces pages avec une force singulièrement captivante. Bacchelli s'est également aventuré dans les méandres du roman psychologique, où il ne se montre guère à l'aise : Una passione conjugale (1930) se présente comme le catalogue appliqué des perversions d'un couple légitime. On lui doit également, avec Oggi, domani e mai (1932), l'histoire de la crise d'un ancien combattant, mal adapté aux réalités de l'après-guerre (thème dont G. A. Borgese avait tiré, pour sa part, le remarquable Rubè), et qui se déroule avec en arrière-plan le monde industriel de Milan. Écrivain traditionnel au meilleur sens du terme, Bacchelli n'a sans doute jamais dépassé le conservatisme de ses premiers essais littéraires, tant sur le plan formel qu'en ce qui concerne ses idées. Son tempérament de moraliste tempéré, uni à son intelligence et à d'incontestables qualités d'écriture, a fait de lui l'un des romanciers les plus appréciés en Italie depuis les années trente, mais qui n'en demeura pas moins un peu en retrait par rapport aux courants les plus originaux de la littérature italienne postérieure à la Grande Guerre.
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Écrit par
- Mario FUSCO : professeur à l'université de Paris-III-Sorbonne nouvelle
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