MUTI RICCARDO (1941- )
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Figure marquante de la direction d'orchestre italienne, Riccardo Muti s'est imposé à l'échelon international, à l'opéra d'abord, au concert ensuite. Souvent présenté comme le rival de Claudio Abbado, il diffère sensiblement de son aîné par ses origines napolitaines, une certaine distance patricienne et un sens du théâtre qui s'impose même hors de la fosse d'orchestre.
Un chef éclectique
Riccardo Muti naît à Naples le 28 juillet 1941. Son père, un médecin qui exerce à Molfetta, possède une belle voix de ténor et l'initie à la musique dès son plus jeune âge en lui donnant des leçons de violon et de piano. Tout en poursuivant ses études générales jusqu'à l'université (philosophie), il travaille d’abord au Conservatoire de Bari, que dirige alors Nino Rota, puis, à partir de 1958, au Conservatoire San Pietro a Majella de Naples, où il étudie le piano avec un disciple d'Alfred Cortot, Vincenzo Vitale, et la composition avec Jacopo Napoli et Nino Rota. Le destin lui sourit lorsqu'il doit remplacer au pied levé un camarade à la tête de l'orchestre des étudiants du conservatoire. Il part pour Milan étudier la direction d'orchestre avec Antonino Votto et la composition avec Bruno Bettinelli au Conservatoire Giuseppe-Verdi. En 1965, il suit un séminaire de direction d'orchestre de Franco Ferrara à Venise. En 1967, il remporte le concours international de direction d'orchestre Guido Cantelli, à Novare. Un an plus tard, il est engagé pour des concerts à la R.A.I. de Milan puis au Mai musical florentin, où, pour son premier concert, il accompagne le pianiste Sviatoslav Richter ; il dirige également ses premières représentations lyriques à l'Autunno musicale napoletano. En 1969, il est nommé premier chef au Teatro comunale de Florence et devient directeur musical (en 1973), puis directeur artistique (1977-1982) du Mai musical florentin, où il s'impose par un répertoire éclectique.
La carrière de Riccardo Muti se développe rapidement à l'étranger : en 1971, il débute au festival de Salzbourg, dans Don Pasquale de Donizetti, puis à Lucerne, Montreux et Prague ; en 1972, il dirige pour la première fois l'Orchestre philharmonique de Berlin et donne ses premiers concerts aux États-Unis, à la tête de l'Orchestre de Philadelphie, un triomphe qui donne une nouvelle dimension à sa carrière outre-Atlantique. En 1973, il dirige à la Staatsoper de Vienne et, la même année, succède à Otto Klemperer comme chef permanent du New Philharmonia Orchestra de Londres (qui reprendra son nom original de Philharmonia Orchestra en 1977). Un an plus tard, il débute à Covent Garden. En 1975, il dirige pour la première fois l’Orchestre philharmonique de Vienne, puis le Concertgebouw d’Amsterdam. L’Orchestre de Philadelphie fait de lui son principal guest en 1977. Il devient directeur musical du Philharmonia Orchestra (1979-1982) et rajeunit considérablement les effectifs, faisant de cet orchestre l'un des plus souples et des plus brillants de la capitale britannique. Il découvre la véritable dimension symphonique au plus haut niveau sans encore la maîtriser véritablement, car le rythme de travail des orchestres britanniques (une ou deux répétitions seulement par concert) ne lui permet pas d'aller au fond des choses.
En 1980, Muti succède à Eugene Ormandy comme directeur musical de l’Orchestre de Philadelphie. Pendant les douze années passées à la tête de cette formation (1980-1992), il acquiert la véritable dimension de chef symphonique qui lui manquait jusqu'alors. Il procède à des remaniements profonds dans son orchestre, qui n'avait pas changé de direction depuis près d'un demi-siècle. Sans altérer le fameux « son de Philadelphie », il apporte un souffle nouveau, un style de jeu plus polyvalent – parfois trop proche du standard international – et il élargit le répertoire, notamment à des œuvres lyriques données en concert. Dès 1982, il effectue avec l'Orchestre de Philadelphie une importante tournée de festivals en Europe. En 1986, lorsque Claudio Abbado quitte la Scala de Milan pour Vienne, Muti se voit offrir la direction musicale de l'illustre maison, où il n'avait encore jamais été invité. C'est la consécration pour celui que les Milanais considéraient comme le « rival florentin » d'Abbado. Les réformes qu'il apporte sont moins de structure que de répertoire, l'éclatement des responsabilités à la tête de la Scala ne lui laissant qu'une marge de manœuvre réduite. Néanmoins, il impose son autorité là où Abbado naviguait avec diplomatie. Il prend son indépendance par rapport au pouvoir politique, très interventionniste à la Scala. Il est également à la tête de l’Orchestre philharmonique de la Scala, qu’il galvanise et qui devient, sous sa direction, la principale formation symphonique de la Péninsule. Dans les années 1990, il intensifie sa collaboration avec l'Orchestre philharmonique de Vienne, qu'il dirige notamment pour le concert du 150e anniversaire, en 1992, et lors du fameux concert du Nouvel An en 1993, 1997, 2000 et 2004, et qui lui décerne son Anneau d’or, une distinction rarement attribuée. On le voit régulièrement à la tête de l'Orchestre national de France, de celui de la Radio bavaroise et toujours aux États-Unis. Au festival de Salzbourg, où il est invité chaque année, il aborde les opéras de Mozart en 1982, avec Così fan tutte. Puis il y conduit La Clémence de Titus (à partir de 1989), Don Giovanni (à partir de 1990) et La Flûte enchantée (2005). Il est également à la tête du festival de Ravenne. En 2003, il dirige à Venise le concert de réouverture de La Fenice reconstruite. En 2005, une crise profonde au sein du personnel de la Scala l’oblige à démissionner à l’issue d’un long conflit qui l’a opposé au surintendant Carlo Fontana, puis, après le départ de celui-ci, du fait d’une motion de défiance de l’ensemble du personnel. Directeur artistique du festival de Pentecôte à Salzbourg de 2007 à 2012, il prend la direction musicale de l'Orchestre symphonique de Chicago en 2010.
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Écrit par
- Alain PÂRIS : chef d'orchestre, musicologue, producteur à Radio-France
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