AVENARIUS RICHARD (1843-1896)
Philosophe allemand, né à Paris, Richard Avenarius enseigna à Zurich de 1877 à sa mort, et prit part à la création du Cercle académico-philosophique de Leipzig. Bien qu'il se soit inscrit dans l'histoire des idées comme l'un des fondateurs en 1877 du Vierteljahrschrift für Wissenschaftliche Philosophie (Revue de philosophie scientifique), auquel Ernst Mach s'est trouvé associé après sa mort, la portée épistémologique de son œuvre a été trop souvent masquée par les Critiques de Husserl (Logische Untersuchungen, 1900) et par la polémique à laquelle l'a exposée de la part de Lénine (Matérialisme et empiriocriticisme, 1907) son utilisation hâtive par la littérature marxiste. Du moins apparaîtra-t-elle en pleine lumière à travers les développements que lui a donnés le mouvement des sciences humaines dans la première moitié du xxe siècle.
Selon les propres termes de l'avant-propos de la Kritik der reinen Erfahrung (Critique de l'expérience pure, 1888-1890), le dessein d'Avenarius a été de généraliser la tentative amorcée par son étude sur Spinoza (1868) pour expliquer la genèse d'une quelconque conception du monde par des lois assignables d'un point de vue purement psychologique, mais les caractéristiques reconnues à ces lois permettront inversement de comprendre qu'elles prennent forme en des conceptions du monde. Dans l'exigence d'un fondement radical pour les productions de l'esprit transparaît, en effet, le souci des structures constitutives de l'existence humaine. « Premier axiome : chaque individu humain se pose originairement (ursprunglich) en confrontation à un environnement (Umgebung) doté d'une variété de composantes, à d'autres individus humains dotés d'une variété d'énonciation (Aussage) et à leurs énoncés affectés d'une quelconque dépendance de l'environnement. Tout contenu de connaissance des conceptions philosophiques du monde, critique ou non critique, est une modification de cette position originaire. Second axiome : la connaissance scientifique n'a pas d'autre forme ou instrument essentiel que la connaissance philosophique. Toutes les formes ou instruments de connaissance spécialisés sont des transformations de formes ou instruments préscientifiques. »
De ces premières formulations, où s'annonce le thème phénoménologique du préréflexif, dérive l'hypothèse constitutive du concept d'expérience : « Toute composante de notre environnement est aux individus humains en une relation telle que, si cette composante est posée, ces individus énoncent une expérience : quelque chose est expérimenté, quelque chose est expérience. » Nous aurons donc à nous demander d'abord en quel sens des éléments de notre environnement ont à être considérés comme présupposition de l'expérience. La portée opératoire de la théorie de l'expérience pure tient à la définition des concepts qui en assureront l'interprétation. Celle-ci prend son départ de la notion de système, le système étant caractérisé dynamiquement par la solidarité des variables et s'articulant en des sous-systèmes dont le système apportera la définition de l'individu.
L'individu, d'autre part, entretient avec l'environnement deux types de rapports relevant respectivement du « pédagogique » et du « physiologique », le premier recouvrant la « localité » et la « sphère sociale », le second les processus de nutrition et d'excitation. Plus précisément l'individu comme système total comprendra le système nerveux central (C) et la totalité des systèmes partiels qui lui sont subordonnés. Ces définitions, qui tiennent leur originalité de l'inhérence à l'expérience des éléments qu'elles intègrent, fonctionnent alors comme dimensions d'analyse des changements solidaires affectant l'individu et l'environnement. Au principe[...]
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Écrit par
- Pierre KAUFMANN : professeur honoraire de philosophie à l'université de Paris-X-Nanterre
Classification
Autres références
-
SCIENCES ET PHILOSOPHIE
- Écrit par Alain BOUTOT
- 17 713 mots
- 6 médias
L'empiriocriticisme a été fondé de manière indépendante par Richard Avenarius et par le physicien Ernst Mach. Il se réclame moins d'Auguste Comte, qui a eu assez peu d'influence outre-Rhin, que de l' empirisme anglais. Il se caractérise par une opposition déclarée à Kant et aux néo-kantiens, qui...