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SHERIDAN RICHARD BRINSLEY (1751-1816)

L'ambiguïté d'une œuvre

Bien qu'étant l'auteur de la meilleure comédie, du meilleur opéra et de la meilleure farce du xviiie siècle anglais, Sheridan n'a pas vraiment réussi sa carrière d'homme de théâtre. Pourtant il aimait son métier qu'il possédait parfaitement. Ses pièces étaient écrites pour sa troupe, ce qui explique la perfection de L'École de la médisance. Quoique par ailleurs fort négligent en tant que directeur, il met en scène lui-même avec minutie. Des Rivaux au Critique sa sûreté s'affirme. Les comédies de Sheridan sont dans la tradition de la comédie de mœurs, comedy of manners, héritée de la Restauration. En 1775, diverses influences, et surtout le sentimentalisme, avaient transformé l'atmosphère désinvolte et libertine de 1660 ; le théâtre produisait surtout des pièces édifiantes et larmoyantes (sentimental comedies). Sheridan renoue avec la comédie gaie sans oublier complètement les leçons du sentimentalisme.

Ses comédies sont enlevées, leur rythme rapide est bien celui de la vie de ces jeunes écervelés, un peu étourdis, mais garçons de cœur, qu'il aime mettre à la scène. Ces grands rôles mènent le jeu à une allure endiablée qui entraîne l'adhésion du public.

Si l'on y regarde de près, l'attitude de Sheridan demeure ambiguë. Du point de vue moral, s'il a le goût de l'insouciance et d'une certaine légèreté, Sheridan ne repousse pas les vertus du cœur : il dénonce l'hypocrisie et s'attendrit volontiers sur la générosité et la bonté. Du point de vue littéraire, cet auteur qui dans Le Critique s'est abondamment moqué de l'artifice théâtral, de l'emphase et de la fausse éloquence, surtout dans la tragédie, a introduit en Angleterre, en tant que directeur, les tragédies romantiques allemandes de Lessing et Kotzebue ; ce défenseur de la vraie comédie a cédé à la vogue des arlequinades et de la farce, pour le plus grand plaisir de son public, a permis la résurrection de la comédie et, pour flatter ce même public, a peut-être favorisé une certaine décadence du théâtre anglais.

— Jean DULCK

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Écrit par

  • : professeur émérite à l'université de Paris-III-Sorbonne nouvelle

Classification

Média

<em>L'École de la médisance</em>, Sheridan - crédits : Culture Club/ Getty Images

L'École de la médisance, Sheridan