CANTILLON RICHARD (1680 env.-env. 1734)
Banquier parisien, né d'une famille irlandaise, elle-même d'origine espagnole, selon son biographe, l'économiste Stanley Jevons, Cantillon rédigea un Essai sur la nature du commerce en général, qui ne fut publié qu'en 1755, sans nom d'auteur, après avoir circulé en manuscrit parmi les physiocrates et influencé fortement Gournay et, plus encore, Mirabeau dans son ouvrage L'Ami des hommes ou Traité de la population (1756). La première édition de l'Essai sur la nature du commerce est d'ailleurs présentée comme étant une traduction de l'anglais. De la vie de Cantillon on sait seulement qu'il fut un rival heureux de Law, qu'il sut vendre à temps ses actions de la Compagnie des Indes et que, une fois fortune faite, il se retira à Londres. Une tradition veut qu'il y pérît assassiné en 1733 ou 1734. On sait aussi que, grand voyageur, il visita l'Orient, les Indes, l'Extrême-Orient et le Brésil.
Cantillon peut être considéré comme un auteur de transition entre le mercantilisme et le libéralisme, mais il fit preuve d'une grande originalité. L'influence qu'il a exercée sur les physiocrates lui a toujours valu une certaine audience parmi les économistes français. Il resta ignoré néanmoins en Angleterre jusqu'à ce que, en 1881, il fût réhabilité comme un des fondateurs de la science économique. Selon l'expression de Schumpeter dans son History of Economic Analysis, Cantillon constitue, parmi les grands auteurs, le maillon intermédiaire entre Petty et Quesnay. Il présente une théorie de la valeur fondée sur le coût des facteurs travail et terre, le premier étant lui-même réduit à la quantité de terre nécessaire pour produire la subsistance minimale du travailleur et de sa famille. Cantillon aboutit ainsi à une théorie de la valeur terre qui offre une image inversée de la théorie de la valeur travail de ses successeurs les économistes classiques anglais. La réduction du travail en équivalent terre et les raisons pour lesquelles les salaires effectifs peuvent s'écarter du salaire minimal donnaient lieu, dans l'Essai, à un appendice arithmétique qui aurait fait de Cantillon, si cette partie de son œuvre n'avait été perdue, un précurseur des études économétriques, au même titre que Petty.
Avant Quesnay, il a établi les fondements d'une théorie du circuit économique dans ses trois phases : production, répartition, dépense. Cette vision théorique est, chez lui, sous-tendue par une analyse de la société divisée en trois classes : les propriétaires fonciers, les fermiers et les travailleurs salariés. Les propriétaires du sol jouent un rôle particulier dans l'impulsion du circuit : leur revenu, ayant la nature d'une rente, n'est pas prédéterminé quant à son usage. Il s'ensuit que « les humeurs, les modes et les façons de vivre » des représentants de cette classe déterminent, avec l'usage qui est fait des terres, le niveau et l'orientation de la demande effective. Cantillon, par ailleurs, analyse le rôle des fermiers et des entrepreneurs marchands.
Théoricien de la valeur et du circuit, il construit une théorie cohérente de l'équilibre. Il élabore aussi une théorie des prix ainsi que de la monnaie et se révèle le premier à développer la notion de vitesse de circulation et à énoncer qu'un accroissement de cette vitesse est équivalent à un accroissement de la quantité des unités monétaires dans ses effets sur les prix. Son œuvre abonde en aperçus originaux. Il est un des premiers à s'intéresser aux problèmes de la localisation des activités, en présentant une théorie de la formation des villes. En matière de démographie, tout en restant populationniste, il fournit une théorie de l'autorégulation de la population, qui fait de lui un des auteurs les plus importants dans ce domaine avant Malthus et qui explique la considération[...]
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Écrit par
- Bernard DUCROS : professeur à l'université de Paris-I-Panthéon-Sorbonne
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