DEDEKIND RICHARD (1831-1916)
Le mathématicien allemand Richard Dedekind est un des fondateurs de l'algèbre moderne. Sa théorie des idéaux, systématisation et rationalisation des « nombres idéaux » de Kummer, est en effet devenue l'outil essentiel pour étudier la divisibilité dans les anneaux les plus généraux et a donné une impulsion considérable à l'arithmétique en élargissant son champ d'action.
Dedekind est aussi le créateur de la géométrie algébrique sous sa forme actuelle : en collaboration avec H. Weber, il a transformé l'étude des courbes algébriques, jusqu'alors du domaine de la géométrie et de l'analyse, en une branche de l'algèbre, et mis en évidence l'importance géométrique de l'étude de l'anneau des fonctions régulières sur une telle courbe.
Mentionnons enfin le rôle actif qu'il joua dans l'axiomatisation des nombres réels et dans l'élaboration de la théorie des ensembles ; en liaison épistolaire presque quotidienne avec G. Cantor pendant des années, il eut le mérite, tout autant que ce dernier, de pressentir toute la fécondité des méthodes fondées sur le maniement de la théorie des ensembles.
Dedekind fut, à Göttingen, le dernier élève de Gauss, puis il suivit les cours de Dirichlet, qui devaient exercer sur lui une profonde influence.
Les « nombres idéaux »
Euler (1707-1783) le premier s'était enhardi à faire des raisonnements de divisibilité portant sur des nombres qui n'étaient plus des entiers usuels, mais, par exemple, des nombres complexes de la forme m + n √– 3, (m et n entiers rationnels) ; ces nombres forment un anneau, et Euler admettait sans justification que les lois de l'arithmétique classique (existence de nombres premiers et factorisation unique en facteurs premiers) gardaient leur validité pour cet anneau. Un peu plus tard, Gauss montra que, pour l'anneau des « entiers de Gauss », m + n √– 1, il en est bien ainsi ; mais ses successeurs s'aperçurent que, si ce résultat pouvait s'étendre à certains anneaux analogues (par exemple, celui des nombres m + n √2), en revanche il y en avait d'autres) comme l'anneau des nombres m + n √– 5) où une telle extension n'était pas possible, et, au début du xixe siècle, aucune solution générale de ces problèmes n'était en vue. Le pas décisif fut fait par Kummer en 1847, pour l'anneau Am engendré par les racines m-ièmes de l'unité (m entier arbitraire) ; en introduisant, à côté des éléments de Am, ce qu'il appelait des « nombres idéaux », il put prouver que, dans le domaine de ces nouveaux « nombres », les lois de l'arithmétique classique redevenaient valables. Mais, en fait, Kummer ne définit nulle part ce que serait un nombre idéal ; il se borne à introduire dans Am une suite de relations (où n'interviennent que des éléments de Am) qu'il désigne par des locutions telles que « être divisible par la n-ième puissance du k-ième nombre premier idéal » (en fait, nous savons aujourd'hui que cela revient à définir ce qu'on appelle les valuations sur l'anneau Am, mais cette notion n'a été dégagée qu'aux environs de 1900). De plus, les méthodes de Kummer étaient étroitement liées aux propriétés très spéciales des racines de l'unité, et ne paraissaient pas susceptibles d'extension au problème général de la divisibilité dans un anneau A engendré par un nombre fini d'entiers algébriques (on désigne ainsi un nombre complexe qui est racine d'une équation de la forme :
où les aj sont des entiers rationnels et le premier coefficient est égal à 1).La suite de cet article est accessible aux abonnés
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Écrit par
- Jean DIEUDONNÉ : membre de l'Académie des sciences
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