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RICHARD III, William Shakespeare Fiche de lecture

Un héros ambigu

Lars Eidinger dans <em>Richard III</em>, de Shakespeare, mise en scène de Thomas Ostermeier - crédits : Boris Horvat/ AFP

Lars Eidinger dans Richard III, de Shakespeare, mise en scène de Thomas Ostermeier

La tragédie prend ici une dimension rituelle et symbolique : la spirale du mal et de la corruption, à laquelle tous ont participé comme le souligne Margaret, veuve d'Henri VI, dans sa célèbre prophétie de l'acte I, induit un mécanisme purificateur, qui doit se solder par l'expulsion du mal incarné par Richard III pour qu'une nouvelle fondation de l'État soit possible. Cet aspect marque la parenté de Richard III avec les tragédies du Moyen Âge et de la Renaissance qui retraçaient le destin exemplaire de personnages célèbres dont la fortune avait provoqué la chute. Mais le personnage de Richard III est problématique : certes, c'est un meurtrier froid et calculateur, au physique contrefait et à l'ironie grinçante, qui rappelle le Vice de la Moralité médiévale ou le Machiavel de la tragédie élisabéthaine – avec qui il partage un certain nombre de caractères, comme la prédilection pour le monologue où il informe le public de ses motivations et projets, ses apartés, et les commentaires sardoniques dont il ponctue l'action. Cependant, il convient de nuancer ce caractère monstrueux : les seules victimes innocentes, dans la pièce, sont les deux fils d'Édouard ; tous les autres, en revanche, sont coupables eux aussi d'avoir fait couler le sang. Richard est celui qui les amène à expier leur passé.

Mais ce qui rend le personnage de Richard si fascinant, c'est son extraordinaire intelligence politique et psychologique. Il est, dans la pièce, un acteur et un metteur en scène hors pair : il singe l'hypocrisie des autres personnages et exploite leurs faiblesses pour mieux les prendre au piège. Exploitant la corruption morale généralisée, il met en scène la dérision de tous systèmes de valeurs, au mépris de toute transcendance. Le plaisir qu'il trouve dans la transgression est manifeste. C'est un être caractérisé par un individualisme forcené, qui l'amène à éprouver sa liberté absolue contre toutes les lois. Il est un héros tragique problématique de ce point de vue, plus proche du Tamerlan de Christopher Marlowe (Tamerlan, 1590) – qui avait déclaré la guerre à la terre entière et aux Cieux – que d'un héros de tragédie classique.

Mais Richard III peut aussi s'humaniser, par exemple lorsque la veille de la bataille qui sonnera l'hallali, il rencontre la peur et le remords, tel le docteur Faust de Marlowe au moment de sa mort ; dans un monologue angoissé qui suit un cauchemar où lui sont apparues ses victimes, il découvre sa solitude radicale de pécheur à qui toute rédemption est désormais interdite : « C'est à désespérer. Pas une créature pour m'aimer ; et si je meurs, pas une âme pour me prendre en pitié : de la pitié, pourquoi en aurait-on, dès lors que moi-même je n'en trouve pas en moi-même pour moi-même ? » (V, 3) À travers cette figure ambiguë de Richard III, la pièce offre une réflexion complexe sur l'existence du mal et sur la nature du pouvoir, tout en questionnant de manière insistante la notion de providence.

— Line COTTEGNIES

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Écrit par

  • : agrégée d'anglais, ancienne élève de l'École normale supérieure de Fontenay-Saint-Cloud, maître de conférences à l'université de Paris-VIII-Saint-Denis

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Médias

Richard III - crédits : Ann Longmore-Etheridge/ flickr ; CC0

Richard III

<em>Richard III </em>de W. Shakespeare, mise en scène de Rupert Goold - crédits : Robbie Jack/ Corbis/ Getty Images

Richard III de W. Shakespeare, mise en scène de Rupert Goold

William Shakespeare - crédits : Fine Art Images/ Heritage Images/ Getty Images

William Shakespeare

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