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LINDNER RICHARD (1901-1978)

Le peintre Richard Lindner est l'un de ceux qui ont figuré les éléments d'une mythologie possible du xxe siècle. Il ne s'est pas contenté d'enregistrer certains mythes contemporains, ni même de les préciser. Il a contribué à les produire.

Dans la jungle des villes

Richard Lindner est né en 1901 à Hambourg. Après avoir étudié la musique, il mène des études d'histoire de l'art à l'école des Arts appliqués de Nuremberg. Il s'essaie au graphisme à Berlin (1927), puis à Munich (1929), réalise des caricatures et des affiches de cinéma. Il devient directeur artistique chez l'éditeur Knorr & Hirth, où ses dessins publicitaires ou humoristiques pour la presse connaissent un certain succès. Il quitte son pays, en 1933, avec l'arrivée des nazis au pouvoir. À Paris, Richard Lindner s'intéresse au surréalisme et découvre l'œuvre de Fernand Léger, dont les formes géométriques aux couleurs éclatantes inspirent sa propre création. Après avoir été interné par la police française à cause de sa citoyenneté allemande, en 1941, il s'exile à New York. Là, il collabore comme illustrateur pour la publicité, l'édition et la presse dans les principales revues américaines, de Fortune à Mademoiselle, et enseigne, parallèlement, au Pratt Institute de Brooklyn. Il obtient la nationalité américaine.

L 'œuvre picturale de Lindner s'affirme dans les années 1950, influencée par l'esthétique de l'expressionnisme allemand et la nouvelle objectivité. De cet univers très personnel, aux nombreuses références littéraires et autobiographiques, quelques figures symboliques récurrentes apparaissent dans un premier temps, telles que les portraits-caricatures, la femme corsetée (The Corset, 1954, Hirshhorn Museum and Sculpture Garden, Washington), et le Wunderkind ou l'enfant prodige (Boy with Machine, 1955, coll. part, Paris).

Il n'y a pas de plantes dans l'univers lindnérien, pas de paysages. Si le vert apparaît dans les tableaux, ce n'est jamais la couleur des végétaux. Surgissent les verts de certaines chevelures, de certaines paupières. En ces lieux picturaux, la campagne n'existe pas. Lorsque les animaux sont présents, ce sont des animaux des villes, des animaux proches de l'homme. Dans The Meeting (1953, Museum of Modern Art, New York), un chat géant trône au milieu d'un salon. Dans ses œuvres les chiens sont nombreux, que Richard Lindner compare aux enfants : « Les chiens, comme les enfants, sont les seuls vrais adultes. » Être adulte, cela signifie peut-être (selon le peintre) ne pas se livrer, ne pas s'extérioriser, protéger ce que Hegel, en son Esthétique, nomme « l'obscure et obtuse intériorité de la vie animale ». Il y a aussi des perroquets, peut-être pour désigner les aspects parodiques d'une communication difficile entre les êtres ; et aussi pour multiplier les couleurs violentes : chaque perroquet (par exemple dans Hello, 1966, ou dans Man with Parrot, 1967) est un leurre bariolé qui ne fait que mimer la parole. Les animaux sauvages n'apparaissent jamais vivants. Mais, parfois, leurs gueules surgissent sur des tissus ou des métaux. Parfois aussi, leurs fourrures serviront de vêtements à des Leopard Lily (1966).

Richard Lindner lui-même est un homme des villes, et cela dès sa jeunesse allemande. « Nuremberg (a-t-il dit) était une ville fondée sur les secrets, la brutalité et le mystère. » Arrivé aux États-Unis, il ne sera jamais le peintre des grands espaces, mais celui de New York avec ses gangsters, ses femmes puissantes, et sa brutalité. Comme Bertolt Brecht, il évoque la « jungle des villes », peuplée de fauves humains, aux costumes raides et colorés. Les rues de la ville telle que la voit Lindner conduisent à une exposition de la culture populaire américaine. Ainsi, dans les années 1960, il transforme les icônes de[...]

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Écrit par

  • : professeur émérite de philosophie de l'art à l'université Paris-I-Panthéon-Sorbonne, critique d'art, écrivain
  • Encyclopædia Universalis : services rédactionnels de l'Encyclopædia Universalis

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