NEUTRA RICHARD (1892-1970)
La pensée et les écrits
Pour répondre à la demande sociale de design, Neutra constate que les architectes ne disposent d'aucun critère suffisamment général et reposant sur des bases assez solides pour fonder la conception de l'environnement : « Mere speculation will no longer suffice. » Au contact de ses clients, l'architecte constate que goûts et aversions constituent habituellement la règle suprême. On ne peut se contenter d'« objectifs techniques et commerciaux », il faut encore, par une connaissance approfondie de l'homme, résoudre les problèmes issus de la situation biologique sans précédent dans laquelle l'ont placé les grandeurs terrifiantes de vitesse, d'énergie et de masse investies aujourd'hui. C'est sur la physiologie que Neutra fonde l'espoir d'une élaboration d'un ensemble de critères valides et objectifs notamment au niveau de la programmation, qu'il s'agisse d'une petite maison ou d'un grand hôpital. Ainsi les clients pourront-ils s'assurer de « n'être pas les victimes de concepteurs esclaves de notions périmées ou de la simple nouveauté ». Seul un programme de recherche sur les effets psychosomatiques de l'environnement, estime Neutra, pourrait permettre de rendre objective la démarche du designer. Dans de nombreux écrits, en particulier Survival through Design, il a développé une pensée qui, même si on peut la critiquer, a le mérite d'essayer de poser les problèmes du design comme objet collectif de recherche, alors que souvent les textes d'architectes ne sont que des manifestes de foi en leur propre solution.
La première critique qu'on pourrait adresser à une telle pensée est sans doute la place privilégiée qui y est faite à la physiologie de l'homme : concevoir l'environnement comme l'optimisation du milieu biologique, fondé sur la prévision des réactions du système nerveux aux divers stimuli, est négliger d'autres réalités humaines non moins fondamentales, en particulier la réalité sociologique dont l'architecture est en droit d'attendre recherches ou informations ; la création de l'environnement humain diffère grandement de celle qui est imaginée pour les souris dans les laboratoires de biologie en ce que l'homme y est simultanément sujet et objet. Neutra fait l'hypothèse d'un environnement adéquat pour une sorte d'invariant qui serait l'homme, un homme seul soumis aux seules matières, textures et couleurs qui l'entourent. C'est toute une partie de l'environnement – les autres – qui échappe à l'architecte ainsi que le contenu sémantique socio-culturel du domaine bâti.
La dernière page de Survival through Design évoque le besoin de plus en plus urgent d'esquisser les projets de construction et de fabrication « en termes convaincants pour les utilisateurs » ; l'environnement biologique de l'homme n'est peut-être pas seul en cause bien que sa dégradation risque de nécessiter des mesures de survie ; il faut aussi tenir compte de l'environnement social, totalement dominé par des objectifs financiers ou commerciaux : « Naturalness can be regained when acceptance of design is guided physiologically and not just commercially pushed. » Mais l'environnement purement biologique existe-t-il indépendamment du milieu social ? La neutralité d'apparence scientifique derrière laquelle l'architecte voudrait abriter ses propres choix est illusoire ; la transparence d'une telle architecture n'est pas plus neutre que celle de Mies van der Rohe ou l'affirmation volontaire de soi de Le Corbusier, tant il est vrai que l'architecture est avant tout choix, parti. La physiologie ne peut donc expliquer et justifier que partiellement les décisions prises dans le domaine de l'environnement. La connaissance scientifique du domaine de[...]
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Écrit par
- Philippe BOUDON : D.P.L.G. en architecture, docteur d'État
Classification
Autres références
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ÉTATS-UNIS D'AMÉRIQUE (Arts et culture) - L'architecture
- Écrit par Claude MASSU
- 12 026 mots
- 9 médias
...international : exil des architectes face aux totalitarismes et à la guerre, cassure idéologique et économique des années 1940, essor au cours de l'après-guerre. En attendant, l'esthétique du style international avait été brillamment illustrée par Richard Neutra (1892-1970) avec la maison Lovell à Los Angeles...