LOHSE RICHARD-PAUL (1902-1988)
Peintre, graphiste et théoricien suisse, Richard-Paul Lohse a été, avec Max Bill, Camille Graeser et Verena Loewensberg, le principal représentant de ce groupe d'artistes appelés « concrets zurichois » qui ont approfondi dans le sens de la rigueur la peinture non figurative de tendance géométrique. Après une période de tâtonnements qui s'achève en 1935, les premiers tableaux de Lohse traduisent l'influence du constructivisme par l'utilisation des diagonales et des groupes de formes disposées sur un fond (Transformation de 4 figures identiques, 1942, Kunstmuseum, Bâle). Il développe parallèlement une remarquable activité de graphiste, en particulier dans le domaine de l'affiche (Helft uns helfen, 1940) et se consacre à la propagande en faveur de l'avant-garde, en créant par exemple avec Leo Leuppi en 1937 l'association des artistes suisses Allianz, en participant à la revue Abstrakt + Konkret (1944-1945) et en adhérant au Schweizer Werkbund.
À partir de 1943, analysant l'œuvre de Mondrian, de Bart van der Leck et de Théo van Doesburg en particulier, ainsi que celle de Josef Albers exécutée au Bauhaus, Lohse adopte un parti fondé uniquement sur les directions horizontales et verticales. Au terme de concret, il préférera celui de systématique. Lohse pense que tout peut et tout doit être contrôlé dans un tableau, du processus d'élaboration à la réalisation, afin d'éliminer tout élément individualiste et subjectif. Les formes employées, lignes, carrés, multiples de carrés, c'est-à-dire des formes neutres et anonymes, immédiatement lisibles, sont disposées dans un espace à deux dimensions : elles structurent orthogonalement la totalité du champ pictural sans créer de motif et en abolissant la dualité forme-fond. Les couleurs sont choisies selon un principe strict, posées en aplats, sans facture apparente. La composition est entièrement programmée, les couleurs et les formes étant numérotées et considérées comme des quantités mesurables : le format du tableau est justifié par la composition, puisqu'il se trouve en rapport homothétique avec l'élément de base qui a été choisi comme point de départ. Le tableau devient ainsi l'illustration visuelle d'un système qui est indiqué dans le titre de l'œuvre (12 Progressions horizontales et 12 progressions verticales, 1943-1944, atelier de l'artiste, Zurich). Les douze lignes verticales colorées, de faible épaisseur, dont cette œuvre est composée sont disposées dans le champ pictural selon des espaces qui augmentent dans le sens horizontal d'une manière arithmétique, tandis que chacune de ces lignes est divisée de haut en bas en douze segments colorés différemment et dont les longueurs sont déterminées selon le même principe. D'autre part, les douze couleurs sont utilisées en quantité égale et disposées à l'intérieur de séquences continues, de sorte qu'aucune de celles-ci ne se retrouve à la même place dans les lignes verticales et dans les rangées horizontales. À partir de cette date, l'œuvre entier de Lohse sera consacré à l'exploration systématique de thèmes fondés sur deux catégories qu'il intitule lui-même « ordres modulaires » et « ordres sériels ». Il va créer une suite de compositions extrêmement variées, fondées sur la symétrie à un ou plusieurs axes, la rotation, la dissymétrie, l'égalité des formes-couleurs, la limitation ou le nombre illimité des structures. Loin d'être seulement conceptuelle, cette réflexion théorique sur la peinture, où chaque composition est strictement calculée au moyen du dessin avant d'être exécutée, débouche sur un système philosophique qui lui permet d'intervenir dans de nombreux domaines artistiques, comme, en particulier, celui de la typographie et de l'affiche, où Lohse a contribué[...]
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Écrit par
- Serge LEMOINE : directeur du musée d'Orsay
Classification
Autres références
-
CONCRET ART
- Écrit par Arnauld PIERRE
- 2 723 mots
- 1 média
Ces principes sont également ceux d'un autre artiste zurichois,Richard Paul Lohse (1902-1988), qui commence à fonder son art sur des systèmes à partir de 1942. En quelques années, il établit un vaste répertoire de formules découlant de ses recherches sur la standardisation des éléments picturaux, notamment...