POWERS RICHARD (1957- )
Né à Evanston dans l'Illinois en 1957, Richard Powers a également vécu à Bangkok, de 1958 à 1972, et en Hollande, où il écrira Prisoner'sDilemna. Revenu à l'université de l'Illinois où il enseigne la littérature, cet esprit mobile voit dans l'écriture la synthèse la plus humaine pour convoquer les sciences et les arts. Richard Powers a fait des études de physique, il a été programmateur informatique et s'intéresse à l'intelligence artificielle, aux neuro-sciences ainsi qu'à la génétique.
Science et littérature
Il a été élu à l'académie des Arts et des Lettres en 2010, en hommage à ses grandes réussites, à commencer par Trois fermiers s'en vont au bal (1985), dont l'écriture fut inspirée par une photographie de 1914 d'August Sander, vue dans une exposition. Ce premier roman inaugure sa manière de tresser trois fils pour nouer une intrigue. On trouve encore un tel mélange inédit dans le titre savoureux The Gold Bug Variations (1991), qui entremêle la musique de Bach et Le Scarabée d'or de Poe, une bibliothécaire et un généticien. Avec Galatea (1995), l'intelligence artificielle vole au secours du mythe de Pygmalion, tandis que dans Le Temps où nous chantions (2003), Powers propose une méditation sur l'art et la politique contemporaine, la musique et le métissage. La Chambre aux échos (2006) raconte la reconquête de la mémoire par un accidenté. Le lien avec les autres, l'imposture et la façon de raconter le monde sont ici des thèmes déterminants. En toile de fond, le Nebraska, au point de rencontre de la terre et de l'eau de la rivière Platte, là où se posent les grues cendrées qui sauvegardent, intact, le tracé de leur migration ancestrale. De son côté, L'Ombre en fuite (2000) jette des passerelles entre le virtuel et le réel, l'ordinateur et l'humain. Générosité : un perfectionnement (2009) donne une forme romanesque à ce qui constitue un point central de nos sociétés : l’amélioration de l’être humain. Chercheur avide qui croit au pouvoir de restauration de l'écriture et de la lecture, le romancier est aussi un musicien et chanteur accompli.
Publié en 1998 aux États-Unis, Gains (traduit de l'anglais par Claude et Jean Demanuelli, éditions du Cherche-Midi, 2012) est le sixième roman de Richard Powers paru en français. Le romancier élargit ici le champ de ses recherches sur la matière et le temps. Il y mêle, comme à l'accoutumée, intrigue et méditation, en insistant cette fois sur la relation entre l'histoire et le vécu individuel. Crûment posé, on pourrait dire que Gains est la confrontation entre une chimiothérapie infructueuse et la croissance exponentielle d'une industrie chimique, entre une personne physique et une personne morale. Le roman relate à la fois la lente invasion de la tumeur maligne – Laura Bodey va mourir d'un cancer ovarien – et l'expansion de la société du négoce et du gain par le biais de la compagnie internationale Clare qui se développe sans fin. Entre la famille Clare qui crée une petite entreprise à Boston en 1830 et le corps de Laura Bodey, qui habite en 1998 près du siège social du géant de la lessive, Powers croise deux parcours inexorables, l'un à l'échelle d'une vie humaine, l'autre à l'échelle du globe. Histoires parallèles, proportions différentes ; fiction domestique minimaliste, à la manière d'Emily Dickinson, et fiction planétaire, comme chez Emerson, viennent soutenir en miroir le dialogue entre un paysage intérieur dévasté et le monde extérieur, puissant, irréfutable.
La suite de cet article est accessible aux abonnés
- Des contenus variés, complets et fiables
- Accessible sur tous les écrans
- Pas de publicité
Déjà abonné ? Se connecter
Écrit par
- Liliane KERJAN : professeure des Universités
Classification
Média
Autres références
-
TROIS FERMIERS S'EN VONT AU BAL (R. Powers) - Fiche de lecture
- Écrit par Pierre-Yves PÉTILLON
- 729 mots
Le roman américain, qu'en France on aime tant, c'est souvent la traque au cerf dans les grands bois, ou encore la dérive crépusculaire jusqu'aux bas-fonds des zones urbaines. Reste un pan, un peu moins connu, qui s'aventure sur un tout autre territoire : l'Ouest mental que, presque chaque jour, la science...