POWERS RICHARD (1957- )
Un roman philosophique ?
Pour écrire Gains, Richard Powers a relu Theodore Dreiser, Frank Norris, Upton Sinclair, cherchant à son tour à évoquer cette énorme présence qui agit dans les coulisses de nos vies : les affaires, thème saillant, omniprésent parce qu'il définit qui et où nous sommes. Pour lui, un constat s'impose : la compagnie Clare, c'est nous qui l'avons faite, et nous sommes tous la « pieuvre » qui se propage et qui se perpétue. Au départ, il s'agit de graisse animale, de savon, le support d'une transformation magique car le produit va engendrer une véritable éthique : Clare garantit la propreté, puis la sécurité par l'hygiène, enfin l'image de soi. Powers va y inscrire la métaphore du continent américain passant du monde brut de la frontière à l'existence civilisée, soit le parcours entier d'une domestication. Il fait ainsi de Gains un roman initiatique, tant le suivi historique du monde des affaires amène à découvrir les projections fantasmatiques de nos espérances et de nos peurs, à dessiner la trajectoire qui nous pousse sans cesse à changer les termes de notre existence. Il s'agit également d'un livre sur le désir, l'appétit insatiable, à l'instar de la curiosité de son auteur qui apparaît comme l'honnête homme du xxie siècle.
Avec Gains, Richard Powers décrit la déformation de la réalité de l'individu par l'ampleur du phénomène historique. On a crédité son œuvre d'humanisme scientifique, preuve s'il en était besoin de son talent novateur. À l'évidence, il demeure enchanté par la virtuosité de l'esprit humain et sa richesse multiple, son incessante mue, certain en tout cas que « jouer du violoncelle, c'est tenter de ramener une vie préexistante ; écrire, c'est tenter de trouver une vie qui n'existe pas encore. »
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Écrit par
- Liliane KERJAN : professeure des Universités
Classification
Média
Autres références
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- 729 mots
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