PRINCE RICHARD (1949- )
L'artiste américain ne cessant d'écrire et de réinventer sa biographie, il n'est pas sûr qu'il soit bien né dans la partie américaine du canal de Panama. Ce que l'on sait en revanche, c'est qu'il travailla aux archives du magazine Time et qu'il commença dans ce contexte ses premiers collages en 1975.
Ses premières expositions débutent en 1977 et dévoilent un exercice de recadrage de photographies prélevées dans les magazines et les publicités, recadrage accaparant nombre de stéréotypes de l'Amérique. Sa série la plus célèbre est celle des Cowboys (dans les années 1980), « recyclage » des photographies des publicités de Marlboro et de son emblème viril. « Dans une certaine mesure, je suis intéressé par ce que nous produisons et ce que nous consommons. Ce que nous pensions que nous possédons et ce que nous pensions contrôler. Est-ce que nous possédons et contrôlons nos postes de télé, ce genre de choses [...]. J'ai lu quelque part que mon travail était une déconstruction de l'image publicitaire. Eh bien, c'est une lecture extrêmement étroite du travail, si vous voulez mon avis. [...] Mon travail ne porte pas sur l'illustration, l'allégorie. Je suis intéressé par ce que certaines de ces images (qui apparaissent parfois dans les sections publicités des magazines) s'imaginent. » Fictionnaliser le réel, travailler sur la culture de masse et ses stéréotypes, ses icônes – tel est le propos de Richard Prince. Tout y passe, des infirmières aux motardes, des hippies aux dessins humoristiques de presse, jusqu'aux voitures.
Prince est associé à « L'appropriationnisme » de Sherrie Levine et de Louise Lawler, et aux notions postmodernes de copie libre et de reproduction. En effet, il s'approprie les images des autres pour y imprimer son propre pouvoir. Le cas d'une photographie de Brooke Shield prise par Gary Gross et montrant l'actrice à dix ans, nue et fardée comme une adulte, est typique de la méthode de Prince. Cette photo d'un goût douteux met en évidence le rapport du peintre à la culture blanche américaine, celle des magazines porno et des concours de voitures. Sans en être l'auteur direct, Prince s'est fait une réputation grâce à cette image. L'artiste aime aussi se placer dans la position du spectateur. Avec le thème des infirmières, il reprend des couvertures de romans de gare (le genre du pulp fiction) et les affuble de masques fétichistes dans des compositions picturales sans talent. « Oui, absolument, je suis un artiste américain. C'est mon sujet. Mon art s'intéresse à ce qu'est l'Amérique. » Dans cet esprit, il « mixe » à la manière d'un disc-jockey les fameuses women de l'expressionniste abstrait américain de Kooning avec des images pornographiques. Et lorsqu'il peint des monochromes, ceux-là se retrouvent affublés de vignettes de bandes dessinées provenant de Play Boy ou du New Yorker, dessins choisis pour leurs propos acerbes sur l'art et la culture.
Richard Prince aime bousculer les principes, remettre en cause l'originalité, le droit d'auteur, l'intérêt esthétique. Il cultive un art du « déceptif », travaillant la matière la moins noble qui soit, le magma culturel américain. En 2001, il s'est repris lui-même, recadrant son propre travail avec une nouvelle série des Cowboys. D'ailleurs, il aime se définir comme un voleur, un malfaiteur dont les œuvres atteignent aujourd'hui allègrement le million de dollars. Ce provocateur a en effet connu un engouement exponentiel depuis le début des années 2000. En 2007, il réalise même des sacs pour la marque Vuitton, certainement la marque la plus copiée dans le monde. Un juste retour des choses finalement.
Dans l’exposition Richard Prince. American Prayer (2011), à la Bibliothèque nationale[...]
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Écrit par
- Bénédicte RAMADE : critique d'art, historienne de l'art spécialisée en art écologique américain
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