ROGERS RICHARD (1933-2021)
L'architecture anglaise est dominée par deux créateurs à la sensibilité très différente qui forment les deux pôles du courant high tech : Norman Foster, discipliné à l'extrême, rigoureux comme un ingénieur et soucieux de perfection plastique, et son ancien associé Richard Rogers, plus complexe, moins attaché à l'objet fini qu'au processus de sa mise en œuvre, à la dynamique dans laquelle il s'insère, au mouvement, à la fusion des espaces, principes qui confèrent à ses œuvres un aspect vivant, parfois presque sauvage quand ceux de Foster sont, au contraire, soigneusement policés et contrôlés.
Le Team 4
Rogers est né le 23 juillet 1933 à Florence, dans un milieu anglo-italien de vieille souche. En 1938, à l’approche de la guerre, la famille doit quitter l’Italie pour le Royaume-Uni. Sur cette terre étrangère, les difficiles conditions financières et psychologiques du moment, le changement de langue et de culture contribuent à faire du jeune garçon un être rebelle et dilettante, doté d'une affectivité inquiète, mû par un fort besoin d'amitié qui jouera un rôle essentiel dans sa vie professionnelle ultérieure et dans la formation de certains de ses principes.
Ce n'est qu'à plus de vingt ans qu'il décide d'entreprendre des études d'architecture, influencé par les séjours qu'il fait dans l'atelier milanais de son oncle Ernesto Rogers, forte personnalité de la scène architecturale italienne.
Richard Rogers entre à la fin de 1954 à 1'Architectural Association, après quelques mois de préparation fébrile au College of Art d'Epsom. Baigné dans une atmosphère moderniste encore assez marginale en Grande-Bretagne dans les années 1950, il y manifeste de grandes capacités d'argumentation et de réflexion critique qui firent pardonner certaines faiblesses, notamment une relative inaptitude au dessin.
Robert Furneaux Jordan inculque aux élèves une approche sociologisante du métier, portée par une conception progressiste et moraliste de l'histoire. Mais le phare de l'école reste Peter Smithson ; il achève, en 1954, avec sa femme Alison la construction d'un bâtiment scolaire à Hunstanton qui, avec son austérité et son prosaïsme, catalyse les espoirs de la jeune architecture anglaise des années 1950, suscitant le mouvement du New Brutalism, au retentissement international immédiat. Mouvement qui développe un radicalisme intransigeant face à la tradition du pittoresque anglo-saxon, cherchant son renouveau dans l'art brut, la publicité, les modèles industriels et la culture pop, se réclamant de l'éthique plus que de l'esthétique et affichant une manière « à la fois ordinaire et héroïque ».
Rogers achève ses études à New Haven, dans l'école de Yale que dirige Paul Rudolph, où Serge Chermayeff l'introduit à ses réflexions sur l'urbain et sur le rapport des espaces publics et privés. Il y connaît le critique Vincent Scully et son compatriote Norman Foster, de deux ans son cadet, venu de l'école de Manchester, brillant dessinateur, strict et précis, doté d'une remarquable compétence technique et de qualités souvent complémentaires des siennes.
De retour à Londres, ils créaient à quelques-uns l'équipe Team 4 au début de 1963. Une villa en Cornouailles puis trois maisons mitoyennes dans les Mews de Londres leur assurent une réputation qui s'affirme définitivement avec la réalisation, en 1967, à Swindon, de l'usine d'électronique Reliance Controls où, pour la première fois, mais avec une grande autorité, s'impose leur image techniciste. L'équipe se disperse cet été-là, les talents complémentaires de l'un et de l'autre ayant fini par se révéler antagoniques. L'usine de Swindon, première d'une longue série de bâtiments industriels pour chacun des deux architectes, se distingue par sa rigueur constructive, sa netteté[...]
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Écrit par
- François CHASLIN : critique d'architecture
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Médias
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