ROGERS RICHARD (1933-2021)
Une architecture manifeste : Beaubourg
Ce sont ensuite des années difficiles pour Richard Rogers, qui construit peu. La maison Spender, dans l'Essex, puis celle de ses parents à Wimbledon, abritées sous des successions régulières de larges portiques métalliques, lui permettent de développer ses recherches sur les matériaux au fini parfait et d'une esthétique puriste. Il mène par ailleurs l'étude d'un système de coques industrialisées à montage rapide qu'il appelle Zip-up. Il théorise ses différents travaux dans une sorte de manifeste rédigé en 1969 où il expose que l'architecte doit dorénavant supplanter les traditionnelles entreprises générales, négocier directement avec les fournisseurs de matériaux, souvent choisis en dehors du monde du bâtiment, tendre à formuler des solutions à caractère général plutôt que dessiner à façon et sur mesure, n'employer qu'un nombre réduit de composants industriels, préfabriqués, posés à sec en peu de temps sous une toiture construite en premier pour pouvoir abriter la suite des travaux, enfin ménager une large flexibilité, une totale liberté des espaces internes, et faire circuler les réseaux dans des conduites aisément accessibles, trait qui est en quelque sorte sa signature.
En 1970, Rogers est contacté par un jeune architecte génois, Renzo Piano, qui mène de son côté le même type de travaux, possède une grande connaissance des matériaux, des techniques, des processus de fabrication et témoigne d'un goût développé pour les détails. Ils s'engagent ensemble dans le concours du Centre national d'art et de culture Georges-Pompidou, dit Beaubourg, à Paris, qu'ils remportent devant 681 candidats, avec une proposition radicale qu'ils définissent comme « quelque chose entre un Times Square de l'information computorisée et le British Museum ». Ce bâtiment exceptionnel, un des plus controversés et des plus populaires du xxe siècle, avec son foisonnement de structures presque gothique dans une parfaite géométrie rectangulaire, était le premier d'une génération d'édifices trouvant leur inspiration dans les splendeurs du machinisme et les rêveries de la technique qui devaient naître au cours des années 1980, et constituer le mouvement high tech.
Quatorze portiques d'acier y soutiennent des plateaux libres portant sur des poutres géantes posées en équilibre sur d'étranges pièces d'acier moulées appelées gerberettes, retenues par des réseaux de tirants et de contreventements. Toutes les circulations, batteries d'ascenseurs, coursives à jour, escalator sont déployées en façade, les réseaux techniques étant rejetés sur l'arrière du bâtiment auquel ils confèrent cette allure de raffinerie polychrome qui alimenta tant de polémiques.
Richard Rogers, pourtant, voit son projet réalisé avec une relative insatisfaction et des griefs qui indiquent que sa démarche ne vise pas une simple esthétique techniciste : il regrette les pilotis qui devaient dresser l'édifice au-dessus d'une piazza animée, les terrasses nombreuses, les planchers mobiles, les immenses écrans audiovisuels sur les façades, la transparence et la mixité des fonctions qui auraient décloisonné encore plus les activités du centre, et surtout les multiples entrées qui devaient le rendre totalement perméable, animé d'un incessant mouvement.
La collaboration avec Renzo Piano va permettre la réalisation de quelques œuvres communes, souvent à caractère industriel : bureaux de la B and B près de Côme, les laboratoires Pat à Cambridge. Mais les rapports se dégradent et, en 1977, est créée l'agence Richard Rogers and Partners, après que l'architecte eut traversé une période dépressive, envisageant de tout abandonner et songeant un moment à s'associer de nouveau à Norman Foster.
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Écrit par
- François CHASLIN : critique d'architecture
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