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ROGERS RICHARD (1933-2021)

Une architecture ouverte

Richard Rogers, auquel on doit quelques usines isolées de tout contexte, et deux créations urbaines assez violentes : Beaubourg et le Lloyd's, n'a jamais cessé de se réclamer de la continuité urbaine. Il prétend retrouver celle-ci par d'autres voies que celles de la tradition, et notamment par l'analyse exigeante des circulations et des rencontres au niveau de la rue, du trottoir plus précisément, par la pénétrabilité mutuelle des lieux publics et privés, par la mise en avant des structures et des réseaux, services dynamiques et modifiables dans le temps qui portent en eux, selon lui, une complexité capable d'enrichir le paysage de la ville, plus que les impassibles façades closes de la modernité classique et qui ménagent des silhouettes, des vues obliques, des échappées et surtout ce mouvement qui est, pour l'architecte, le « principal générateur de la forme ».

Et c'est ainsi que d'importants projets d'urbanisme étudiés pour Londres depuis le début des années 1980, peu connus du public, poursuivent cette recherche d'une architecture urbaine d'écriture moderniste, parfois teintée de science-fiction comme cet étrange Silver Mile qui devait lancer un pont sur la Tamise à partir d'une tour hérissée de mâts et de piliers, tendue de câbles et de haubans, amarrée à toutes sortes de pontons et de plates-formes, proposition qu'il offre à la ville à l'occasion d'une grande exposition de la Royal Academy, en 1986 : London as itcouldbe.

Plus concret, et d'échelle plus réduite, le projet qu'il rend lors de la compétition pour l'extension de la National Gallery en 1982, dit Hampton Site, participe des mêmes préoccupations : flux piétons, fusion des lieux publics et privés, architecture d'emboîtements, de capsules, de creux marqués, de tours d'observation et de plates-formes, une incohérence très maîtrisée et volontaire, carrossée d'acier, au profil déchiqueté pour qu'il prenne sa place dans la silhouette mouvementée de Trafalgar.

Cour européenne des droits de l'homme, Strasbourg, R. Rogers - crédits : Philipp von Ditfurth/ picture alliance/ Getty Images

Cour européenne des droits de l'homme, Strasbourg, R. Rogers

Attaché à un petit nombre de principes idéologiques dont il ne se départit pas, Richard Rogers construit en France plusieurs édifices importants : en 1995, le Palais européen des droits de l'homme, en bordure de l'Ill, à Strasbourg ; en 1996, le palais de justice de Bordeaux, situé dans le cœur historique de la ville, près de la cathédrale et de la mairie. Et pour Londres, parmi les nombreuses réalisations et projets, citons le siège de Channel Four en 1995, le bâtiment du 88 Wood Street en 1999, qui se présente comme un ensemble de tours doté d’ascenseurs vitrés, ou le triangle pointant vers le ciel de la tour du 122 Leadenhall Street (2014). Enfin, dans le domaine de l'urbanisme, il est invité à concourir avec quinze autres agences pour le projet de restructuration de Potsdamer Platz à Berlin en 1991 (concours remporté par les architectes munichois Hilmer et Sattler) et reçoit des commandes d'immeubles de bureaux pour la société Daimler-Benz. Pour le terminal 4 de l'aéroport de Madrid Barajas (2005), une couverture ondulée répond aux contraintes tout en favorisant l'éclairage et la ventilation. Les préoccupations écologiques sont également respectées pour le collège de Mossbourne (2004) ou le Parlement du pays de Galles (2005), avec une ventilation naturelle et un système de récupération des eaux de pluie. En 2007, Richard Rogers a reçu le prix Pritzker pour l’ensemble de son œuvre.

Richard Rogers meurt à Londres le 18 décembre 2021.

— François CHASLIN

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Richard Rogers - crédits : Martin Bureau/ AFP

Richard Rogers

Siège du Lloyd's, Londres - crédits : Roger Last/  Bridgeman Images

Siège du Lloyd's, Londres

Immeuble du Lloyd's - crédits : Bernard Annebicque/ Sygma/ Sygma/ Getty Images

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