SERRA RICHARD (1939-2024)
Le sculpteur américain Richard Serra, figure majeure de l'art contemporain se rattachant en partie au minimalisme, a choisi le métal comme matériau principal de son œuvre – un métal fondu, tordu, coupé, disposé en œuvres monumentales. L'artiste ne cessa d'interroger les possibilités formelles de ce matériau, allant même jusqu'à jouer sur sa couleur par des jeux de corrosion et de rouille maîtrisés. Aboutissant à de véritables sublimations du métal, ses œuvres à la beauté étrange et presque menaçante étonnent et interpellent le spectateur, créent parfois la polémique, mais ne laissent jamais indifférent.
Un souvenir d'enfance
Richard Serra est né le 2 novembre 1939 à San Francisco. Un de ses premiers souvenirs remonterait à 1943 : le jour de son quatrième anniversaire, le jeune Richard accompagne son père sur son lieu de travail, un chantier naval. « Quand nous sommes arrivés, se souvient-il, un cuirassé noir, bleu, orange se balançait pour ainsi dire sur un perchoir. Le tout était disproportionnellement horizontal, et ressemblait, aux yeux d'un enfant de quatre ans, à un gratte-ciel allongé [...]. La foule assistant [au départ du navire] se rassembla quand le cuirassé passa de son stade d'énorme poids inflexible à celui d'une structure libre, flottante en dérive. Mon intimidation et mon étonnement liés à ce moment n'ont jamais disparu. » Ce récit condense toute une série de données, qui marqueront à terme l'esthétique du sculpteur américain. Esthétique dont l'artiste ne posera toutefois les bases qu'en 1967, après plusieurs années de tâtonnements et de remises en question.
Sa trajectoire débute officiellement en 1961. Serra quitte la Californie pour New Haven dans le Connecticut et s'inscrit à l'université Yale où il obtient son bachelor puis son master of arts. Parallèlement à ses études et pour les financer, Serra travaille dans des aciéries, à la suite de premières expériences professionnelles dans ce secteur durant son adolescence, et y observe notamment comment le métal est alésé, ciselé, emboîté, enroulé, entassé, fendu, percé et tendu.
En 1965, une bourse d'études lui permet d'entreprendre un voyage à Paris où il se rend presque quotidiennement à l'atelier de Brancusi reconstruit par le Musée national d'art moderne, alors situé au Palais de Tokyo. Athènes, Istanbul, l'Espagne et l'Afrique du Nord ainsi que l'Italie constituent les étapes suivantes de son périple. C'est à Florence qu'il aurait peint ses ultimes tableaux. Il entame alors une pratique sculpturale dont les premiers résultats – des cages en bois remplies d'animaux empaillés – seront présentés la même année à l'occasion de sa première exposition personnelle à la Galleria La Salita à Rome. De retour à New York fin 1966, Serra est confronté à un art minimal en plein essor. Il côtoie les plasticiens Robert Smithson, Eva Hesse, Bruce Nauman, Michael Heizer, Joan Jonas, Michael Snow, et le compositeur Philip Glass qu'il avait déjà rencontré à Paris. Un point commun fédère ces artistes : ils interrogent les propriétés de leurs matériaux et médiums respectifs afin d'en dévoiler l'essence.
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Écrit par
- Erik VERHAGEN : maître de conférences en histoire de l'art contemporain à l'université de Valenciennes, critique d'art, commissaire d'expositions
- Encyclopædia Universalis : services rédactionnels de l'Encyclopædia Universalis
Classification
Autres références
-
SCULPTURE CONTEMPORAINE
- Écrit par Paul-Louis RINUY
- 8 011 mots
- 4 médias
...sculpteur qui a su le mieux jouer de la variété et de l’énergie des mouvements physiques du spectateur pour animer les formes immobiles qu’il invente est Richard Serra. De Shift (1970-1972, King City, Ontario) à son installation pour l’exposition Monumenta au Grand Palais à Paris, Promenade (2008),...