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WEINER RICHARD (1884-1937)

Poète et prosateur qui explore dans son œuvre les rapports entre la réalité, le subconscient et le rêve, Richard Weiner occupe une place à part dans le contexte de la littérature tchèque du premier tiers du xxe siècle.

Né à Písek en Bohême du Sud, Richard Weiner part en 1912 pour Paris comme correspondant d'un journal tchèque. Désormais, il va vivre uniquement de sa plume. Il débute dès avant la Première Guerre mondiale en publiant trois recueils, encore marqués par la poésie tchèque moderne du début du siècle. Sous un optimisme un peu forcé, on sent émerger l'angoisse existentielle de l'auteur. Des particularités de l'écriture de Richard Weiner s'y manifestent déjà qui, plus tard, iront s'accentuant jusqu'à la dissimulation volontaire du sens et qui lui feront sa réputation d'écrivain incompréhensible et hermétique.

L'expérience de la guerre a été déterminante pour la première période de son œuvre. Dans des proses telles que Lítice (Les Furies, 1916), Netečný divák a jiné prózy (Le Spectateur indifférent et autres proses, 1917) et Škleb (Rictus, 1919) Richard Weiner exprime l'incertitude de l'existence humaine prise dans un jeu de forces fatales et souvent irrationnelles, aboutissant à un sentiment de solitude et d'impuissance. Ces œuvres font de lui un des plus importants représentant de l'expressionnisme tchèque.

En 1919, il repart pour la France, où il sera jusqu'à 1936 le correspondant parisien du plus prestigieux journal tchèque d'alors, Lidové noviny (Journal populaire). En 1926, il se lie avec un groupe de lycéens originaires de Reims, Roger Vailland, Robert Gilbert-Lecomte et surtout René Daumal, qui deviendront rapidement un groupe dissident du mouvement surréaliste en fondant Le Grand Jeu. Toutefois les rapports de Richard Weiner avec ses jeunes amis (il est de plus de vingt ans leur aîné) se refroidissent dès la fin de 1927, jusqu'à la brouille définitive avec Daumal, qui intervient en avril 1928. C'est sans doute pourquoi le nom de l'écrivain n'est mentionné dans aucun des trois numéros de l'éphémère revue du groupe. Cependant, cette brouille a été à l'origine du sursaut créatif de Richard Weiner qui, de 1928 à 1933, écrira trois recueils poétiques et deux œuvres en prose. Dans Mnoho nocí (Beaucoup de nuits, 1928), les amples descriptions de la nature, des paysages et des états psychiques n'ont pour but que d'occulter le sens pour le rendre secret et mystérieux ; dans Zátǐsí s kulichem, s herbářem a kostkami (Nature morte à la chevêche, à l'herbier et aux dés, 1929), le poète se concentre sur les rapports que l'Homme entretient avec l'Univers, la Mort et le rêve. Enfin, dans le cycle poétique à forte résonance métaphysique, Mezopotamie (Mésopotamie, 1930), symbole du Paradis, Richard Weiner se lance dans une quête de l'Absolu que, paradoxalement, il va trouver dans la vie et jusque dans les imperfections de l'être humain.

Au centre des préoccupations de Richard Weiner se trouve, en effet, l'individu du monde moderne désorienté, aliéné et surtout incomplet, car sa perception de la réalité est limitée, le subconscient – potentiel immense des ressources spirituelles de l'homme – lui restant inaccessible. Et, croit-il, ce n'est que dans la transformation du rationnel et de l'irrationnel en une réalité autre que l'homme peut atteindre à l'absolu.

Les cinq proses de Lazebník (Le Barbier, 1929), consacrées à l'exploration du subconscient, à la réalité du rêve et du souvenir, sont en fait une explication de la poétique de Richard Weiner. Les deux récits du diptyque Hra doopravdy (Le Jeu pour de vrai, 1933), comprenant Hra na čtvrcení (Le Jeu de l'écartèlement) et Hra na čest za oplátku (Le Jeu de l'honneur à charge[...]

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Écrit par

  • : maître de conférences de tchèque à l'université de Bordeaux-III-Michel-de-Montaigne, chargé de cours de littérature tchèque à l'Institut national des langues et civilisations orientales, Paris

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