WIDMARK RICHARD (1914-2008)
Richard Widmark n'a jamais été une grande vedette, et n'a jamais obtenu d'oscar, si ce n'est une citation. Peu de vedettes et de récipiendaires de trophées peuvent cependant s'enorgueillir d'une carrière d'une pareille qualité. Quel que soit son rôle, principal, secondaire ou épisodique, quel que soit son emploi, « méchant » ou « bon », il se montrait toujours juste, sans la moindre « bavure ». Capable d'interpréter des rôles aussi divers que celui d'un psychopathe, d'un intellectuel, d'un tueur, d'un médecin, d'un militaire ou d'un homme d'affaires, il trouvait toujours le ton qui convenait au personnage.
Richard Widmark avait un jeu tout à la fois tendu et désinvolte, physique et intellectuel, instinctif et cérébral. Il était autant à l'aise dans le rôle d'un individu dominé par ses sentiments que dans celui d'un individu qui les contrôle, dans l'interprétation d'un personnage sympathique comme totalement antipathique, sans qu'il y ait hiatus, la différence de jeu restant des plus subtiles. Si bien qu'il excellait dans les rôles de « méchants » et de personnages « rongés de l'intérieur », comme le fils à la recherche de l'assassin de son père de Backlash (Coup de fouet en retour, 1956) de John Sturges, l'officier confédéré borgne obsédé par l'idée de perdre l'autre œil d'Alvarez Kelly (1969) d'Edward Dmytryk, ou encore le policier lancé à la poursuite suicidaire d'un assassin qui lui a échappé dans Madigan (1968) de Donald Siegel.
Né le 26 décembre 1914 à Sunrise dans le Minnesota, Richard Widmark joue, dès le lycée, dans des pièces de théâtre. Après avoir obtenu son diplôme en art, il mène, à l'université, de 1936 à 1938, une activité d'instructeur en art dramatique. Il entreprend ensuite une carrière d'acteur à la radio, où il se produira dans des quantités d'épisodes de programmes. Durant la Seconde Guerre mondiale, à cause d'un tympan crevé, il sert au théâtre aux armées. Démobilisé, il fait, en 1943, ses débuts professionnels sur les planches, à Broadway, dans Kiss and Tell.
Ce n'est qu'en 1947, alors qu'il est âgé de trente-trois ans, que Richard Widmark, qui a toujours voulu faire du cinéma, commence une carrière d'acteur de cinéma dans Kiss of Death (Le Carrefour de la mort) de Henry Hathaway. Si modeste que soit son rôle, son interprétation du personnage, un psychopathe ricanant nerveusement quand il tue, comme s'il se délectait de son geste, est à ce point mémorable qu'il accède subitement à la notoriété. Ayant dû, pour l'obtenir, signer un contrat d'exclusivité avec 20th Century Fox, il incarne ensuite quelques autres « méchants » inoubliables, tels que le hors-la-loi de Yellow Sky (La Ville abandonnée, 1949) de William Wellman et le puritain raciste de No Way Out (La porte s'ouvre, 1950) de Joseph Mankiewicz, mais aussi des personnages « positifs », tel que le médecin des douanes de Panic in the Streets (Panique dans la rue, 1950) d'Elia Kazan, dans lesquels il témoigne de sa capacité à faire preuve d'autorité. On le voit également dans des rôles plus ambigus, comme le lamentable petit escroc de Night and the City (Les Forbans de la nuit, 1950) de Jules Dassin et le minable voleur à la tire de Pick up on South Street (Le Port de la drogue, 1953) de Samuel Fuller, ses plus belles créations.
En 1954, au terme de son contrat, Richard Widmark devient indépendant. Ce choix n'a pas d'incidence sur sa carrière, sinon qu'il joue plus souvent des personnages attachants – le Jim Bowie de The Alamo (1960) de John Wayne, les officiers de cavalerie de Two Rode Together (Les Deux Cavaliers, 1961) et de Cheyenne Autumn (Les Cheyennes, 1964) de John Ford – qu'inquiétants,[...]
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Écrit par
- Alain GAREL : critique et historien de cinéma, professeur d'histoire du cinéma
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