RICKETTSIES ET RICKETTSIOSES
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Rickettsioses de l'homme
Typhus épidémique
Répandu dans le monde entier, le typhus épidémique a été un des grands fléaux de l'humanité. Il reste toujours capable de quelques résurgences en Asie, en Europe, en Afrique et en Amérique (Amérique centrale et Amérique du Sud). Maladie infectieuse à déclaration obligatoire dont l'agent est Rickettsia prowazeki, le typhus ne provoque pas en principe de contagion directe : en effet, son vecteur est le pou, Pediculus humanus corporis, comme le démontra Charles Nicolle en 1909-1910.
Cette rickettsiose a pour principaux signes : une fièvre élevée (de 39 à 40 0C) qui suit une incubation de quatorze jours ; un exanthème maculo-pétéchial qui apparaît entre le quatrième et le septième jour, généralement au niveau des flancs, puis s'étend d'une seule poussée au reste du corps, respectant le visage, la paume des mains et la plante des pieds ; délire et état stuporeux ; râles pulmonaires discrets ; affaiblissement des bruits du cœur ; anémie et leucopénie légères. Avant la découverte des antibiotiques, un tiers des malades mouraient après quinze jours en moyenne.
Actuellement, le tableau clinique est moins grave : une fois le diagnostic posé, on administre des antibiotiques à large spectre, tels que les tétracyclines, le chloramphénicol, la spiramycine, qui agissent très rapidement. La température tombe en quarante-huit heures ; l'état général s'améliore et le malade entre en convalescence. La forme résurgente (maladie de Brill-Zinsser) peut survenir, par exemple, chez des déportés, longtemps après un premier typhus.
Le diagnostic se fait par inoculation de sang du malade au cobaye, ce qui détermine chez ce dernier une poussée fébrile caractéristique après six à quinze jours d'incubation, sans orchite. On peut aussi utiliser des techniques sérologiques (immunofluorescence) pour compléter l'investigation clinique.
La prophylaxie consiste à assurer la protection contre les poux (épouillage, désinsectisation) et à procéder à la vaccination par des vaccins tués. Cette dernière mesure n'est plus systématique, les antibiotiques permettant d'écarter très rapidement le danger. Elle est réservée à des circonstances particulières (danger d'épidémie).
Fièvre des tranchées
Fièvre exanthématique, transmise également par le pou, Pediculus corporis, la fièvre des tranchées a pratiquement disparu. Mais le germe qui la provoque, Rochalimaea quintana, a été cultivé depuis 1962 par J.-W. Vinson sur une gélose sans cellules ; R. quintana est donc une véritable bactérie, ainsi que R. henselae, récemment décrite. R. henselae est l'agent de l'angiomatose bacillaire, maladie rare, retrouvée le plus souvent chez des malades immuno-déprimés. C'est aussi l'agent de la maladie des griffes du chat.
Le typhus murin, dont le germe responsable est R. mooseri (ou R. typhi), est répandu dans le monde entier, surtout en Afrique et en Amérique. Il est véhiculé par les rats (et d'autres Rongeurs) et par leurs puces, Xenopsylla cheopis principalement. Le réservoir du virus n'est pas l'homme, mais le Rongeur, qui est très sensible à cette rickettsiose. Le typhus murin est une maladie des Muridés, accidentellement transmise à l'homme. Il s'agit donc d'une véritable zoonose.
Le tableau clinique rappelle celui du typhus épidémique, mais il est moins grave : fièvre moins élevée après douze jours d'incubation ; état général et système nerveux moins touchés ; exanthème plus discret couvrant tout le corps, envahissant le cou, la paume des mains et la plante des pieds.
Le taux de mortalité, qui était de 2 à 3 p. 100, et même un peu plus élevé en Afrique où des typhus sévères sévissent encore, a baissé grâce aux antibiotiques.
L'inoculation intrapéritonéale de sang du malade au cobaye détermine une orchite caractéristique (signe de Neill-Mooser). Le diagnostic biologique est généralement sérologique : immunofluorescence indirecte.
Fièvres éruptives transmises par les tiques
Ce groupe comprend : la fièvre pourprée des montagnes Rocheuses, dont l'agent vecteur est la tique des bois, Dermacentor andersoni, et le germe R. rickettsi ; la fièvre boutonneuse méditerranéenne, dont le germe, R. conori, est véhiculé principalement par la tique du chien, Rhipicephalus sanguineus ; la fièvre asiatique et la fièvre australienne, dont les vecteurs sont les tiques, et les agents pathogènes R. siberica et R. australis (variétés de R. conori).
Ces fièvres présentent des symptômes communs : après contact entre l'homme et l'Acarien, on peut observer d'abord une escarre et une adénopathie, ensuite un syndrome fébrile et un exanthème. Celui-ci est pétéchial dans la fièvre américaine, papuleux et nodulaire dans la fièvre méditerranéenne. Certaines formes sont très graves, mais les antibiotiques du type des tétracyclines agissent efficacement.
Le diagnostic se fait par inoculation de sang du malade au cobaye, ou par sérologie.
La prophylaxie consiste à éviter la piqûre des Acariens par le port de vêtements appropriés, à détruire les vecteurs par les insecticides. Aux États-Unis, un vaccin a été mis au point contre la fièvre pourprée, maladie grave.
Typhus des broussailles
Cette rickettsiose, dont le germe responsable est R. tsutsugamushi, sévit du Japon à l'Australie et du Pacifique au Pakistan. Les vecteurs de la maladie sont de petits Acariens, particulièrement nombreux dans les zones broussailleuses, les Trombicula de couleur rouge ou orangée (d'où leur nom de rougets) et qui ne sont parasités qu'à l'état larvaire. Les réservoirs de virus sont surtout des Rongeurs. Il s'agit d'une zoonose où l'homme n'entre qu'accidentellement.
La fièvre s'élève après une période d'incubation d'une dizaine de jours, pendant qu'au siège de la piqûre l'escarre se dessine sous forme d'une croûte noirâtre entourée d'un halo rouge et qu'un exanthème discret s'installe. La rate est souvent grosse ; le malade a tendance à saigner facilement ; les maux de tête et le délire sont fréquemment importants ; les complications cardiaques ne sont pas rares.
Le diagnostic est établi, d'une part, en tenant compte de la région où a vécu le malade, car le typhus des broussailles simule bien d'autres pyrexies sévissant dans la région (leptospiroses, paludisme) et toutes les autres fièvres typho-exanthématiques ; d'autre part, en inoculant du sang de malade à des souris blanches. Le diagnostic biologique consiste à chercher les anticorps par immunofluorescence, etc.
Les antibiotiques à large spectre (chloramphénicol, auréomycine, terramycine, spiramycine) agissent très rapidement. Ils ont été employés préventivement pour soigner les troupes en campagne dans les régions contaminées (Vietnam), car la vaccination n'est pas efficace.
Fièvre Q
La fièvre Q est une rickettsiose mondialement répandue, due à Coxiella burneti. Elle est transmise par des Acariens hématophages aux réservoirs de virus : animaux sauvages (Marsupiaux, Rongeurs, Lagomorphes) et animaux domestiques (moutons, chèvres, bovins, etc.). La contamination de l'homme peut se faire soit par voie transcutanée (contact avec les animaux et surtout avec les placentas très riches en rickettsies), soit par voie pulmonaire (inhalation de poussière contenant le germe et provenant des déjections sèches du bétail, de la manipulation des laines).
La période d'incubation, qui peut être longue (18 jours), est suivie par une brusque montée de fièvre, une céphalée intense et le plus souvent par des signes pulmonaires et hépatiques. En principe, il n'y a pas d'exanthème. Les complications (péricardite, myocardite, affections oculaires) sont peu fréquentes. Sans traitement, la maladie est longue, très fatigante, mais rarement mortelle. En revanche, les antibiotiques à large spectre sont actifs et permettent la chute de la température en quelques jours.
Le diagnostic se fait par inoculation de sang du malade au cobaye, à l'œuf embryonné ou à des cellules en culture pour isoler le germe, ou mieux par sérologie. La fièvre Q peut revêtir une forme particulièrement grave lorsqu'elle passe à la chronicité. L'endocardite à Coxiella est à redouter chez les sujets porteurs de lésions valvulaires cardiaques. Dans ce cas, le traitement sera poursuivi pendant plusieurs années.
La prophylaxieconsiste à éviter la contamination des troupeaux par l'utilisation de substances tuant les tiques. La meilleure technique est de vacciner les animaux. Étant donné le danger que présente cette zoonose pour l'homme et pour l'animal (elle provoque des avortements chez la brebis, la chèvre et la vache), il est important de connaître les moyens de protection (vaccin animal, par exemple).
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Écrit par
- Marcel CAPPONI : docteur en médecine, ancien chef de laboratoire à l'Institut Pasteur
- Monique THIBON : docteur en médecine, chef de service à l'Institut Pasteur
Classification
Média
Autres références
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PARASITOLOGIE ET MALADIES PARASITAIRES
- Écrit par Encyclopædia Universalis et Yves GOLVAN
- 8 242 mots
- 2 médias
Le type desrickettsioses, dont les germes sont intermédiaires entre les bactéries et les virus, est le typhus exanthématique, maladie strictement humaine, transmise par les déjections du pou, dont les foyers couvrent les régions pauvres des zones tempérées. Une épidémie meurtrière de typhus a fait... -
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- Écrit par Marcel CAPPONI
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