RIO DE JANEIRO
Une agglomération fragmentée
La ségrégation socio-spatiale caractérise la métropole : l'organisation urbaine reflète et révèle les contradictions et les inégalités qui marquent la société brésilienne. Classiquement, on oppose la zone sud des plages (Copacabana, Ipanema, Leblond, Barra), où vivent les classes moyennes et aisées, aux zones ouest (Bangu, Campo Grande, Santa Cruz) et nord (Baixada Fluminense), où se regroupent les pauvres. Les premières bénéficient de tous les services urbains, et notamment des réseaux d'égouts ; les secondes, espaces de lotissements illégaux et des favelas, disposent de services publics réduits (électricité, un point d'eau, mais pas d'assainissement). Entre les deux, le centre et la zone suburbaine (São Cristovão, Madureira, Meier, Ilha do Governador) abritent des classes moyennes et présentent des infrastructures allant d'une qualité moyenne à déplorable. Cependant, à l'intérieur de chaque grand ensemble, la mixité existe ; ainsi, un dixième des deux millions d'habitants de la zone sud vivent dans des favelas consolidées, telle la Rocinha ou le Vidigal. Dans la zone nord, un quart des habitants vivent dans des favelas formant d'immenses complexes aux tracés irréguliers intercalés dans des lotissements moins denses et mieux équipés. Au total, dans la seule municipalité de Rio de Janeiro, pas moins de 600 favelas, 780 lotissements irréguliers et 500 ensembles de logements sociaux ont été recensés en 2000.
Le centre de Rio de Janeiro attire les migrants pendulaires des quartiers périphériques et des communes voisines de Nova Iguaçu, Belford Roxo, São João de Meriti, Duque de Caxias, qui viennent exercer leur activité commerciale et artisanale, malgré la constante augmentation du prix des transports urbains. Même si la ville est traversée par des voies rapides empruntant des tunnels et si deux lignes de métro desservent le centre, le trafic urbain reste fortement congestionné. Les problèmes environnementaux sont également très sérieux ; la pollution de la baie de Guanabara est à l'image de cette expansion urbaine non planifiée, qui échappe à tout contrôle. Le programme de dépollution de la baie, mis en place par le gouvernement à partir de 1995, lié à l'extension du réseau d'eau potable dans la périphérie, n'a pas donné de résultats visibles.
Les événements violents qui se déroulent dans les favelas font la une des journaux ; ils découlent à la fois de véritables guerres de gangs, de règlements de compte entre trafiquants, de l'extension du trafic de drogue et d'armes dans les rues. L'armée doit souvent suppléer la police lors d'importantes interventions. Les images de violence, largement diffusées par les médias, effraient les habitants de la zone sud et renforcent la division socio-spatiale. Avec 8 000 homicides par an, Rio de Janeiro est la ville la plus violente du Brésil, et les armes à feu sont la principale cause de mortalité des jeunes de 15 à 24 ans.
La société civile tente de réagir face à l'extension de cette violence urbaine, par des mouvements organisés − telle l'O.N.G. Viva Rio fondée en 1990 − qui visent à instaurer le dialogue, à rapprocher les habitants de diverses zones et à chercher des solutions économiques avec des entrepreneurs. Les moyens modernes de communication valorisent la favela en tant que communauté, des sites Internet (par exemple, Viva Favela) diffusent des images positives, cherchant même à attirer les touristes. Sous la pression de ces associations, une concertation s'engage entre le gouvernement fédéral, l'État de Rio et les autorités municipales, et permet la mise en place de plans d'urgence et de programmes d'information favorisant l'association d'actions préventives et constructives, plutôt que répressives (équiper des écoles, peindre les façades, construire des terrains de jeu, et[...]
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Écrit par
- Martine DROULERS : docteur en géographie, directrice de recherche au C.N.R.S.
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