RISORGIMENTO
Après avoir connu la gloire de l'Empire romain, puis la primauté de l'Italie pontificale du Moyen Âge, l'élite de la péninsule aspire, au xixe siècle, à la réalisation de la « troisième Italie ». Le Risorgimento (de risorgere : resurgir) répond, dans le domaine national, au Rinascimento, la Renaissance culturelle du xvie siècle. Popularisé à la fin du xviiie siècle par le dramaturge Alfieri, le terme de Risorgimento exprime l'attente du jour où l'Italie, « désarmée, divisée, avilie, enchaînée, impuissante, resurgira vertueuse, magnanime, libre et unie ». C'est d'abord une idée-force, une prise de conscience politique et morale qui plonge ses racines dans le réformisme éclairé du xviiie siècle. La Révolution française, à travers les « républiques sœurs » du Directoire, puis l'Empire napoléonien, met l'Italie à l'école du libéralisme bourgeois, détruit partiellement l'Ancien Régime et renforce le sentiment national, dans une première expérience de vie commune. Le Risorgimento romantique de la première moitié du xixe siècle est dû à l'action d'une minorité de patriotes qui, par des complots et des séditions, tentent, sans succès, de renverser l'absolutisme et l'hégémonie autrichienne, restaurés en 1815. L'échec tumultueux de la révolution de 1848, la ruine des espérances néo-guelfes d'une régénération sous l'égide d'un pape libéral, la faillite de l'unitarisme républicain et démocratique de Mazzini ouvrent la voie au réformisme modéré et à la maison de Savoie. Cavour prépare le Piémont à l'action, répudiant la « politique du poignard » et s'efforçant d'insérer la question italienne dans la politique européenne. Il mène de front l'apprentissage du libéralisme parlementaire et le développement économique. Mais la rupture de l'ordre ancien ne peut se faire qu'avec le consensus diplomatique des puissances amies (France et Grande-Bretagne) et grâce à l'aide militaire massive consentie par Napoléon III. Après des succès rapides entre 1859 et 1861, le Risorgimento bourgeois et piémontais, s'engageant dans le processus unitaire, brise les tentatives démocratiques et les initiatives sociales de Garibaldi, libérateur du Mezzogiorno, qu'il neutralise et rallie à la solution monarchique. Après la mort de Cavour, l'unité s'enlise dans l'impasse de la question romaine. Le jeune royaume, aux assises populaires étroites, dont l'économie est encore arriérée et précaire, demeure dans la dépendance financière et diplomatique de l'étranger. L'achèvement laborieux du Risorgimento politique, par la prise de Rome en 1870, laisse inaccompli le Risorgimento économique et social : la monarchie parlementaire, forgée par la génération de 1860, ne résistera pas, après un demi-siècle de vie unitaire, à la montée de la subversion fasciste.
L'héritage du siècle des Lumières
La naissance d'une conscience nationale
Malgré la fragmentation politique de la péninsule, placée depuis les traités de 1713 sous l'hégémonie autrichienne, le xviiie siècle fait circuler une culture largement influencée par les penseurs français et britanniques. L'Italie peut ainsi s'insérer dans le vaste mouvement des Lumières qui, dans l'ensemble du continent, cherche à remédier à l'inadaptation de l'Ancien Régime aux nouvelles conditions sociales. Des expériences particulièrement réussies de despotisme éclairé s'effectuent dans les États contrôlés par l'Autriche et à Naples. Le toscan, promu au rang de langue de culture, est le véhicule d'une abondante littérature, essentiellement tournée vers les sciences politiques, l'économie et le droit. Imbus des doctrines jansénistes, les réformateurs rêvent de monarchies autoritaires,[...]
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Écrit par
- Paul GUICHONNET : professeur honoraire à l'université de Genève
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