RISQUE ET INCERTITUDE
Comportement à l'égard du risque et gestion du risque
Les risques que nous subissons, ou dont nous profitons, ne sont en général pas entièrement en dehors de notre contrôle. Chacun peut décider de prendre part au jeu. De même, toutes les activités de prévention agissant sur la nature du risque – airbags, antivol, réduction des émissions de dioxyde de carbone, etc. – permettent de réduire la probabilité de certains événements indésirables. On peut aussi agir sur les risques individuels en les transférant vers d'autres individus. Un contrat d'assurance est l'illustration la plus évidente d'un tel transfert. Une introduction en bourse en est un autre exemple, où un entrepreneur vend une partie du risque sur les profits de sa société en échange d'un montant fixe, le prix des actions émises.
Puisque l'on peut agir sur le risque, la question se pose de déterminer la meilleure action, que ce soit au niveau de l'individu qui porte le risque, ou à celui de la société. C'est Daniel Bernoulli, en 1738, qui offre une première théorie des comportements humains face au risque. Expliquant le célèbre « paradoxe de Saint-Pétersbourg » qu'avait proposé son cousin Nicolas, il montre que le supplément de bien-être procuré par un billet de loterie est inférieur à son espérance de gain. Il explique ce phénomène d'aversion à l'égard du risque par le fait que l'utilité marginale des gains est décroissante avec la richesse du joueur, ce qui implique que recevoir 1 000 euros avec probabilité 1 /1 000 accroît moins le bien-être que recevoir un euro avec certitude. Cette théorie de l'espérance d'utilité sera axiomatisée par John von Neumann et Oskar Morgenstern en 1944, dans le cas d'un environnement risqué, et par Leonard Savage (The Foundations of Statistics, 1954), dans le cas d'un environnement incertain. Elle sera remise en cause, plus tard, par l'économiste français Maurice Allais (Prix Nobel d'économie 1988).
Quoi qu'il en soit, l'aversion des êtres humains à l'égard du risque est un fait empirique vérifié. Celle-ci permet de comprendre pourquoi les épargnants n'investissent pas toutes leurs économies dans les actions dont les rendements espérés sont pourtant largement supérieurs à ceux offerts par des placements moins risqués. De même, cela justifie l'achat d'assurance malgré son coût parfois élevé.
Si les êtres humains éprouvent de l'aversion à l'égard du risque, de quels outils disposent-ils pour réduire celui-ci ? Le plus important est sans aucun doute la diversification, qui consiste à « ne pas mettre tous ses œufs dans le même panier ». Cette règle de diversification des risques s'appelle mutualisation lorsqu'elle est appliquée dans le cadre d'échanges de risque entre individus. Si cent personnes acceptent ainsi de partager équitablement leurs cent risques individuels indépendants, chacun réduira son risque effectif de 99 p. 100. Source importante de bien-être et de socialisation, la mutualisation des risques se retrouve dans d'innombrables mécanismes de notre société : solidarité au sein de la famille élargie, sécurité sociale, assurance, marchés boursiers, politique agricole commune, etc.
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Écrit par
- Christian GOLLIER : professeur à l'université de Toulouse-I
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