RISQUE ET INCERTITUDE
Société et partage du risque
Henry Ford disait que les gratte-ciel de New York n'auraient sans doute jamais existé en l'absence d'assureurs pour couvrir le risque. Notre société est une société de partage de risques. Ce partage unit ses membres par la solidarité et le contrat, renforçant ainsi le tissu social. Il permet aux plus entreprenants d'entre nous de se lancer dans des investissements potentiellement rémunérateurs, mais parfois très incertains.
Toutes sortes de risques sont échangés à travers le monde, ce qui conduit par exemple l'actionnaire d'une compagnie d'assurance française à supporter une partie des pertes entraînées par les attaques terroristes du 11 septembre 2001, la veuve de Carpentras à payer des impôts permettant d'indemniser les chômeurs du Nord de la France, ou les épargnants italiens à supporter une part de l'effacement de la dette de l'Argentine. Néanmoins, ces échanges sont insuffisants, et de nombreux risques restent non mutualisés : les risques de chômage de long terme ou de krach du marché de l'immobilier sont deux exemples de risques individuels importants non mutualisés. Par ailleurs, l'absence de contrat solidaire de développement des pays développés envers les pays pauvres constitue un scandale d'inefficacité planétaire.
La recherche d'informations permettant de réduire les sources de risques constitue une autre dimension d'une saine gestion de ces derniers. On prévient d'autant mieux un risque qu'on le connaît bien et qu'on est capable de l'appréhender. Un risque sera d'autant moins intense que nos capacités d'adaptation à ses conséquences seront grandes. À titre d'exemple, avoir la capacité d'interrompre un investissement dans une nouvelle capacité de production au moment où le marché se retourne est un atout pour l'investisseur, qui réduit d'autant son risque baissier. De même, notre perception a priori du risque de réchauffement climatique dépend inversement de la capacité qu'a la société de s'y adapter a posteriori (migration de population, adaptation des cultures, etc.).
S'il est correctement évalué par les acteurs, le risque peut être créateur de valeur. Depuis le milieu des années 1960, le développement extraordinaire de la théorie de la finance a permis de mieux comprendre la manière dont les marchés financiers, et les investisseurs qui y interviennent, évaluent les risques et parviennent à en tirer parti. L'existence d'une forte volatilité des prix des actifs peut néanmoins faire douter de l'efficacité de ces marchés pour orienter au mieux nos choix collectifs face au risque. Celle-ci témoigne en effet d'une sur-réactivité des marchés financiers aux informations économiques des entreprises, à la baisse comme à la hausse.
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Écrit par
- Christian GOLLIER : professeur à l'université de Toulouse-I
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