HAYWORTH RITA (1918-1987)
En période économique faste, les studios hollywoodiens avaient conçu un star-system draconien et hautement compétitif : chaque « major company » devait créer une vedette qui, en contrepartie, allait travailler sept ans sous la bannière de la firme. Sous la férule de Harry Cohn, dirigeant de la Columbia, Rita Hayworth devint la star la plus identifiable de l'après-guerre, la plus vulnérable aussi, indissociable de Gilda (1946), archétype du film noir et d'un cinéma érotique jouant à enfreindre les règles du fameux code de censure « Hayes ». Peu de stars auront imposé une présence aussi charnelle et donné à de simples accessoires (le célèbre gant noir) une dimension aussi fortement symbolique.
En 1946, l'actrice avait déjà une carrière relativement longue : sous le nom de Rita Cansino, elle avait débuté dix ans auparavant comme danseuse dans des petits films de série – tels que Charlie Chan de Louis King (1935). Jeune beauté brune et typée, Rita Hayworth aurait pu se cantonner dans des rôles purement « exotiques » et décoratifs, selon les critères du cinéma d'évasion de l'époque, si elle n'avait rencontré celui qui allait devenir son premier mari, le milliardaire Edward Judson. Il la fait accéder à des rôles plus nuancés dans Seuls les anges ont des ailes, de Howard Hawks, au côté de Cary Grant (1939). Elle tourne ensuite avec Cukor Suzanne et ses idées (1940), et succède curieusement à Michèle Morgan dans le remake américain de Gribouille : The Lady in Question, de Charles Vidor (1940). Son image est encore imprécise : « femme fatale » dans Arènes sanglantes de Ruben Mamoulian (1941) où Tyrone Power reprend le rôle de Valentino, elle est l'irrésistible « Strawberry Blonde » dans le film du même titre de Raoul Walsh (1941), puis devient la partenaire de Fred Astaire dans L'amour vient en dansant (1941) et Ô toi, ma charmante (1942). Sur sa lancée, Rita Hayworth tourne deux autres comédies musicales, l'une pour la Fox, My Gal Sal (1942), la seconde pour la Columbia Cover Girl (La Reine de Broadway, 1944), au côté de Gene Kelly. Bien que doublée pour la partie chantée, elle fait preuve d'un abattage extraordinaire, et le Technicolor met particulièrement en valeur sa chevelure rousse. La jeune actrice devient la vedette la plus rentable de sa firme, et Harry Cohn prend alors en charge sa vie professionnelle et privée. C'est l'engrenage d'un système qui atteindra son point culminant avec le film de Charles Vidor, Gilda. La bombe atomique lancée sur Bikini sera même baptisée de ce nom ! En 1943, Orson Welles épouse Rita Hayworth. Professionnelle docile, l'actrice se laisse guider par les deux hommes qui régissent sa vie : elle tourne La Dame de Shanghai (1948) où Welles s'évertue à « casser » son image – qu'on pense à la scène symbolique où Rita tire sur son reflet démultiplié dans la galerie des glaces. Parallèlement, il la fait teindre en blonde et lui donne un rôle de femme vénéneuse, personnage sacralisé par les romans noirs de l'époque. Si elle approfondit ainsi son jeu, la réaction de ses admirateurs est plutôt la déception. Rita Hayworth divorce avec le réalisateur et au cours d'un voyage en Europe rencontre le prince Ali Khan qu'elle épouse peu de temps après. Elle s'éloigne alors des studios et demande même à Cohn de l'affranchir de son contrat. Mais le mariage avec Ali Khan se solde également par un échec. Rita Hayworth renégocie son contrat, et le studio lui propose en 1952 un retour dans L'Affaire de Trinidad toujours avec Glenn Ford, qui avait été notamment son partenaire dans Gilda, The Lady in Question et Les Amours de Carmen (1948). Mais la magie n'opère plus, et Rita Hayworth, malgré deux autres rôles de « pécheresse », dans Salomé et La Belle du Pacifique (tous[...]
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Écrit par
- André-Charles COHEN : critique de cinéma, traducteur
Classification
Médias
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