GALLICANS RITE & CHANT
Rite et chant chrétiens primitifs de la Gaule franque, qui furent connus de l'Espagne, d'une partie de la Suisse alémanique, de la région rhénane et même des églises celtiques de Grande-Bretagne. La mélodie et le répertoire gallicans furent usités jusqu'à la fin du viiie siècle, et encore quelque peu au siècle suivant. C'est le rite grégorien qui les remplaça au début du ixe siècle, grâce aux efforts de Charlemagne. Toutefois, l'extinction définitive de la liturgie gallicane — on pourrait dire des liturgies galliques, car les variantes locales ont dû être assez nombreuses — n'eut lieu qu'à l'époque de Charles le Chauve. En réalité, on relève des chants gallicans à l'abbaye de Fleury en 877, dans un antiphonaire du xie siècle pour la cathédrale d'Albi, et dans le graduel aquitain de Saint-Yrieix. Amédée Gastoué (« Le chant gallican », in Revue du chant grégorien, 1937) énumère les centres principaux de diffusion de la liturgie gallicane : la Narbonnaise et l'Aquitaine, respectivement autour de Narbonne et de Toulouse, le Midi et l'Est méridional autour de Lyon, d'Autun, de Vienne et d'Arles, enfin le Centre et le Nord avec Tours comme foyer principal. Des villes comme Carcassonne, Limoges, Conques, Aurillac, Guéret furent aussi des pôles d'attraction non négligeables. Il subsiste encore aujourd'hui dans la liturgie romaine quelques survivances gallicanes ; ainsi dans l'office du vendredi saint. L'ostension et l'adoration de la croix, le Trisagion, proviennent des rites gallicans. L'antienne trois fois redite en haussant le ton à chaque reprise (Agios o Theos) n'est pas une coutume romaine ; on a là un exemple caractéristique d'une adaptation gallicane au rite de Rome. D'après les divers recoupements opérés par les érudits, on peut être assuré que le chant gallican alliait les apports d'un courant hébraïque (psalmodie), d'un courant grec et byzantin (système musical, métrique) et d'un courant romain (livres de prières et rituel) ; il y avait aussi une influence de l'ambrosien (Milan) et du wisigothique. L'absence totale de notation neumatique intelligible à cette époque rend impossible la traduction claire des manuscrits qui pourraient nous renseigner. Le Psautier du vie siècle (Bibl. nat., codex latin 11947), en provenance d'Autun et rapporté à Paris vraisemblablement par saint Germain, connaît le responsum (réponse du chœur à un soliste) ; c'est là très certainement la forme musicale la plus primitive, avant que le principe de l'antiphona (alternance de deux chœurs) n'ait été introduit. Le rôle du diacre ou du chantre soliste est déterminant. Aussi retrouve-t-on une telle manière de répartir les fonctions vocales dans l'antienne Salva nos de complies, qui fut empruntée par le romain aux Églises de Gaule ; dans le Milanais, cette même antienne se chante toujours ainsi : le diacre commence la première partie du verset, le chœur (ou le peuple) continue le texte, et ainsi de suite, par deux fois. Mabillon (1632-1707) a édité, dans sa description de la messe gallicane, les impropères de la semaine sainte, qui sont d'origine espagnole ou française méridionale. Les trois hymnes Pange lingua, Vexilla regis prodeunt, Inventor rutili, adoptés par les livres grégoriens seulement au ixe siècle, sont aussi d'origine gallicane ; les deux premiers ont été attribués à l'évêque de Poitiers, Fortunat (530-600) ; mais le Pange lingua est aussi attribué soit à saint Mamert, évêque de Vienne (463-475), soit au prêtre Mamert Claudien (mort en 473/74 ?, Vienne), voire à Prudence (348-env. 410), qui est l'auteur du troisième. On peut lire quelques transcriptions de chants gallicans dans les Variae Preces de dom Pothier (surtout un admirable Venite[...]
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Écrit par
- Pierre-Paul LACAS : psychanalyste, membre de la Société de psychanalyse freudienne, musicologue, président de l'Association française de défense de l'orgue ancien
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