RITES
Le mot « rite » peut avoir des sens différents selon les contextes dans lesquels il est utilisé. Pour les biologistes, par exemple, la ritualisation est la formalisation d'un comportement à motivation émotionnelle ; ils la rattachent au processus de l'évolution et plus particulièrement à l'adaptation aux fonctions de communication. Ainsi, le rite pourrait s'observer chez les animaux. Dans le langage courant, ce terme désigne toute espèce de comportement stéréotypé qui ne semble pas être imposé par quelque nécessité ou par la réalisation d'une finalité selon des moyens rationnels. Une institution désuète, un cérémonial périmé sont des rites. Les manies sont souvent rangées dans la même catégorie. De là on passe aisément à l'interprétation de la psychopathologie et de la psychiatrie, qui parlent de rites névrotiques. Mais, en réalité, tous ces emplois de la notion se réfèrent plus ou moins à celui qui désigne un comportement social, collectif, dans lequel apparaît plus nettement à la fois le caractère répétitif du rite et, surtout, ce qui le distingue des conduites rationnellement adaptées à un but utilitaire. Le rite se présente alors comme une action conforme à un usage collectif et dont l'efficacité est, au moins en partie, d'ordre extra-empirique. Il se révèle donc, avec toute sa spécificité, dans les coutumes stéréotypées qui ne se justifient pas entièrement par une détermination limitée au monde naturel et qui font intervenir des rapports entre l'homme et le surnaturel. Rites magiques et rites religieux en sont ainsi les exemples les plus éclairants.
Les types et les fonctions
On peut observer des conduites rituelles, au sens précis du mot, dans toute espèce de contexte superstitieux ou cultuel, et les grandes religions modernes comportent aussi des rites fortement institutionnalisés. Mais il semble plus indiqué d'en rechercher la signification sociologique la plus générale dans les coutumes des peuples « primitifs » (ou archaïques), non point parce qu'on pourrait espérer ainsi remonter à la source de ce phénomène, mais parce que les pratiques de ce genre s'y manifestent avec plus d'abondance et de variété, parce qu'elles y débordent plus largement dans l'ensemble de la vie quotidienne collective, et aussi parce qu'elles y sont moins impliquées dans des systèmes cohérents de pensée, dans des élaborations philosophiques et dans des doctrines. Bref, plus que le rite moderne, le rite archaïque semble se développer pour lui-même et selon ses finalités propres. C'est d'ailleurs effectivement à partir des observations ethnographiques qu'ont été entreprises la plupart des tentatives d'explication en ce domaine.
Les catégories et les problèmes
Marcel Mauss divisait les rites primitifs en deux catégories : les rites positifs et les rites négatifs, ces derniers consistant en des interdictions. D'un autre point de vue, on peut aussi distinguer entre les rites simplement insérés dans la vie quotidienne et les rites commémoratifs qui se réfèrent à des modèles mythologiques et qui présentent un caractère synchro-diachronique, mis en évidence par Claude Lévi-Strauss, en ce sens qu'ils créent un lien entre le déroulement du temps ordinaire et des représentations ou des symboles situés hors du temps. Enfin, il est classique de répartir les rites d'après les fonctions qu'ils paraissent remplir suivant qu'ils se rapportent à des pratiques magiques ou à des pratiques religieuses, c'est-à-dire selon qu'ils tendent à mobiliser d'eux-mêmes des forces surnaturelles ou bien à incliner la volonté des êtres surnaturels.
Mais tous les rites présentent certains caractères communs qui sont inclus dans leur définition générale ; et, en particulier, ils se présentent comme difficilement explicables[...]
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Écrit par
- Jean CAZENEUVE : membre de l'Institut, professeur émérite à l'université de Paris-IV-Sorbonne
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