RITES DE PASSAGE
Les rituels collectifs
Les rituels centrés sur le destin social de l'individu peuvent, grâce au modèle de Van Gennep, être apparentés à des rituels qui relèvent d'un autre niveau de l'organisation sociale et dans lesquels prédomine la dimension collective. Ainsi, les rituels cycliques des sociétés agraires ont fréquemment la structure des rites de passage. Tel est le cas, par exemple, des rituels qui marquent le changement d'année, telles les fêtes de Nouvel An, ou les changements de cycles culturaux, tels les rituels saisonniers (semailles, récoltes) dans des sociétés où les rythmes vitaux dépendent étroitement de ceux de la vie agricole. Accomplis en des points précis du cycle productif annuel, les rituels saisonniers attestent le passage de la pénurie à l'abondance (cérémonies des premiers fruits, fêtes des prémices) ou celui de l'abondance à la pénurie (anticipation ou conjuration rituelles des rigueurs hivernales). Appartiennent à la même catégorie les rituels qui sont liés à un changement collectif et qui se déroulent, par exemple, lors du départ d'un groupe pour la guerre ou bien dans l'intention de conjurer les effets d'une famine ou d'un fléau (épidémie). Ainsi, la cérémonie des premiers fruits chez les Swazi d'Afrique du Sud, comme les fêtes de la moisson en Europe, vise à neutraliser les risques d'un changement dans l'ordre des saisons, la survie économique du groupe dépendant de la régularité de cet ordre. Les cérémonies collectives s'articulent parfois en Afrique, de façon non fortuite, avec celles qui intéressent le statut de la souveraineté et qui présentent les trois phases. De la santé du souverain – incarnation symbolique du groupe social – comme du cycle saisonnier dépendent le bon ordre social et la fécondité des êtres et de la terre. Les notions de mort, d'attente, de renaissance, dans les rituels du renouveau de la vie végétale, sont alors le versant symbolique du schéma tripartite ; elles sont également essentielles dans les rituels initiatiques.
La cérémonie swazi associe la terre et la souveraineté par le biais de la notion de fécondité. Après avoir été insulté par ses sujets, le roi est soumis à un rite de passage comprenant une période de réclusion absolue, tandis que la population entière suspend ses activités normales (un jour et une nuit) en s'identifiant à la personne du souverain. Le rituel s'achève par une purification qui est marquée par des réjouissances et par l'abondance de nourriture et de laquelle le roi et avec lui la société swazi émergent fortifiés pour faire face à la nouvelle année qui commence. L'abaissement et la mort symboliques du roi, ainsi que ceux de la communauté, réitérés annuellement, assurent le bien-être et la fécondité pour le cycle à venir.
Ces rituels, qu'on a pu appeler rituels d'inversion, comprennent donc logiquement ceux qui interviennent lors du décès d'un souverain et de sa succession. Entre rituels saisonniers et rituels d'intronisation, il y a, en effet, une identité de structure (avec les trois phases de mort du souverain, de période ambivalente et d'avènement d'un nouveau roi) et de fonction (réaffirmation, d'une part, de la royauté en tant que réalisation immanente du groupe au-delà de la variabilité des individus, d'autre part, de la fécondité de la terre au-delà du changement des saisons). La période liminale des successions royales peut prendre des formes variables : chez les Agni de Côte-d'Ivoire, c'est un esclave-bouffon qui « assume » la fonction royale pendant l'interrègne, l'inversion des rôles soulignant le caractère anormal, dangereux de toute succession, qui remet en question chaque fois la pérennité de l'ordre social. Il est remarquable, en particulier, que, là où le souverain a un caractère [...]
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Écrit par
- Nicole SINDZINGRE : chargée de recherche au CNRS
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