RITES DE PASSAGE
Les rituels initiatiques pubertaires
Les rites d' initiation marquant la puberté sociale occupent une place à part, car ils ont une double dimension, individuelle et collective. De nombreuses sociétés possèdent des rites caractéristiques de la puberté sociale (et non réelle) et de l'accès à l'âge adulte pour l'un ou l'autre sexe. Ils marquent un changement d'état fondamental, à savoir le passage soit de l'enfance au monde des adultes, soit d'un état sexuel relativement indifférencié à un rôle sexuel socialement déterminé – ce qui conditionne l'entrée définitive dans les catégories sociales « homme » ou « femme ». Largement étudiés, ces rituels ont pu être considérés comme le modèle même des rites de passage, bien qu'ils se présentent sous des formes différentes, par exemple selon qu'ils sont reliés à une organisation sociale en classes d'âge, qu'ils introduisent à un savoir ésotérique ou qu'ils comportent un marquage corporel (circoncision ou excision féminine). Il existe aussi des rites de passage initiatiques non pubertaires, notamment lors de l'entrée dans une association (de guerriers ou de guérisseurs, par exemple) ou dans une société secrète, lors de l'accès à une charge politique, etc. Dans les rituels pubertaires, les novices, séparés de leur milieu antérieur (du monde de la mère, de la féminité, de l'enfance et des activités domestiques), se voient coupés de l'univers du village et de celui du sexe opposé, cette réclusion étant parfois longue. Là, sous l'égide d'instructeurs initiés, ils apprennent certains éléments des valeurs symboliques et du savoir traditionnel (épreuves et brimades peuvent faire partie intégrante de cet apprentissage), avant d'être définitivement intégrés au groupe.
Ce rituel « life-crisis », qui marque l'accès au statut d'adulte, se distingue des autres étapes du destin individuel, car il constitue un moment capital dont l'enjeu pour le groupe est l'incorporation effective de nouveaux membres, désormais « capables » – au sens juridique – de nouer des alliances, d'occuper des places différenciées au sein de la structure sociale et de proférer des énoncés pertinents. De cette capacité ils devront faire bon usage. Un tel rituel a donc un caractère immédiatement social (il s'effectue d'ailleurs fréquemment au sein d'un groupe et rassemble parfois toute une classe d'âge) ; il relève à la fois de stratégies sociales et d'affects individuels. Cela explique l'importance qu'y prennent la pédagogie et l'apprentissage, car il s'agit d'édifier des personnes sociales.
Comme dans les autres rites de passage, le symbolisme de la mort et de la renaissance joue ici un rôle majeur : les novices peuvent subir des épreuves rituelles telles que le passage dans un tunnel, qui représente la tombe ou le ventre maternel, et même être considérés comme morts pendant toute la durée de la réclusion. La logique de l'élévation statutaire commande que la phase intermédiaire comporte toute une série d'éléments négatifs, tels que l'humiliation, le silence, l'obéissance absolue. L'accès aux nouvelles positions sociales se trouve ainsi différé et s'accomplit au prix de sa dénégation temporaire. Pour rendre compte de l'état liminal des néophytes, V. Turner a proposé le concept de « communitas » : dans cette phase, ces derniers forment une société qui est homogène et anonyme, dans laquelle tous sont égaux dans la soumission, qui n'est pas segmentée en statuts et en rôles comme le monde du village, qui demeure unifiée dans l'abaissement rituel. Ainsi y retrouve-t-on fréquemment les thèmes de la stérilité temporaire et de la continence sexuelle des novices, mais aussi ceux de leur faiblesse ou de leur impureté : les situations liminales, en effet, sont[...]
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Écrit par
- Nicole SINDZINGRE : chargée de recherche au CNRS
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