Abonnez-vous à Universalis pour 1 euro

RITES

Le sacré et la religion

On comprend que, parallèlement à ces deux types de rites, se soit développé un effort pour échapper à une telle antinomie, c'est-à-dire pour communiquer avec la puissance inconditionnée sans pourtant abandonner la sécurité que procure une condition humaine enfermée dans des règles et garantie par elles. Toutefois, cela n'est possible que par une transposition, une élaboration rituelle qui transforme le principe numineux en un principe sacré, dont les symboles et les manifestations ne sont plus immanents, mais transcendants, c'est-à-dire à la fois extérieurs à la condition humaine et capables de la fonder. C'est pourquoi le sacré est représenté par des modèles archétypiques.

On trouve de nombreux exemples de cette élaboration. Ainsi, le mort, qui est pour la perception immédiate un objet impur, devient un ancêtre tutélaire. On a recours, pour cela, à des rituels qui le sacralisent. Certains peuples procèdent à des funérailles en deux temps : une fois passée la période pendant laquelle le cadavre est simplement numineux, une cérémonie a lieu qui le transforme en génie bienfaisant, ou bien en un être mi-humain, mi-animal, comme le totem du clan.

Parmi les rites religieux, on peut distinguer ceux qui ont pour objet de poser la transcendance du sacré en le séparant du profane et ceux qui permettent à l'homme de participer au monde sacré.

Dans la première catégorie trouveront place toutes sortes de rites négatifs qui, dans leur aspect extérieur, ressemblent à des tabous. Ainsi il est interdit de manger l'animal-totem ; mais on le fera cependant dans certaines circonstances particulières qui seront des cérémonies de participation et de communion. Aux rites négatifs s'apparentent également toutes sortes de formes d'ascèse, tels les jeûnes, par exemple. Pour séparer le sacré du profane, il faut, en définitive, marquer symboliquement que tout ce qui est donné dans la nature ne peut être sacralisé qu'en étant marqué par des modèles archétypiques. L'individu pénètre dans ce monde en transformant sa nature, en subissant une initiation. Dans de très nombreuses tribus, l'initiation qui permet aux jeunes de devenir membres du groupe à part entière comporte des épreuves, des mutilations, telles que la circoncision, l'excision ou la subincision, ainsi que la commémoration de la geste des ancêtres et la révélation des objets sacrés.

Parmi les rituels qui conduisent à participer directement avec le monde sacré, qu'on a d'abord séparé du profane, la prière et l'offrande sont des moyens pour se concilier ces puissances. Contrairement à l'incantation magique, la prière n'est pas censée contraindre le numineux à obéir aux volontés humaines ; elle est une reconnaissance du caractère transcendant des forces sacrées. L'offrande est l'abandon à celles-ci d'une partie de ce qui est donné dans la condition humaine.

Le sacrifice est sans doute le rite religieux par excellence. Il a pour objet, ainsi que l'a vu Mauss, d'interposer une victime entre le monde profane et le monde sacré, qu'il s'agit de mettre en contact l'un avec l'autre ; et il est aussi, non pas une profanation comme le pensait Durkheim, mais une sorte de rachat, car il faut abandonner quelque chose de ce qui est donné pour atteindre l'inconditionné. Le sacrifice peut être combiné avec la communion, quand la victime consacrée et immolée est partagée entre les membres du groupe. On passe ensuite de là, par une élaboration plus décisive, à l'idée du dieu qui est lui-même la victime, qui meurt et qui ressuscite pour faire le lien entre le monde humain et le monde sacré.

Ainsi le rite religieux unit synthétiquement les principes qui s'opposaient dans le tabou de l'impureté et la pratique magique ; et il suppose une symbolisation complexe.[...]

La suite de cet article est accessible aux abonnés

  • Des contenus variés, complets et fiables
  • Accessible sur tous les écrans
  • Pas de publicité

Découvrez nos offres

Déjà abonné ? Se connecter

Écrit par

  • : membre de l'Institut, professeur émérite à l'université de Paris-IV-Sorbonne

Classification

Autres références

  • ABORIGÈNES AUSTRALIENS

    • Écrit par
    • 7 150 mots
    • 5 médias
    ...étaient communs à plusieurs groupes et leur gardiennage se négociait au rythme des alliances, faisant fluctuer les frontières et les droits territoriaux. Lorsque les hommes et les femmes sont gardiens de sites, ils ont des responsabilités rituelles à leur égard. Pour que le savoir hérité des ancêtres puisse...
  • ADOLESCENCE

    • Écrit par et
    • 2 667 mots
    • 1 média
    ...le passé, presque toutes les sociétés avaient institué des moyens formels pour que les aînés aident les jeunes à trouver leur place dans la communauté. Les rites d'initiation, les quêtes de vision, les rites fondamentaux et les autres cérémonies du même type aidaient les jeunes hommes et femmes à...
  • AFRIQUE NOIRE (Culture et société) - Religions

    • Écrit par
    • 9 619 mots
    • 1 média
    ...première apparition de la mort, cet acteur du désordre exprime la nécessité de maintenir permanentes les relations entre tous les éléments de l'univers. C'est par l'accomplissement scrupuleux des rites, qui sont en quelque sorte les jointures du monde, que les hommes peuvent s'assurer d'une poursuite conforme...
  • AFRIQUE NOIRE (Arts) - Histoire et traditions

    • Écrit par , , , et
    • 6 689 mots
    ...des ancêtres et sa statuaire rituelle ont été systématiquement combattus par les missions chrétiennes mais aussi par l'administration coloniale : ces rites liés à la mort étaient considérés comme contraires aux mœurs pouvant être admises dans une société moderne. Il subsiste pourtant aujourd'hui...
  • Afficher les 37 références