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RITUEL

L'approche symboliste : le rituel « dit quelque chose »

V. Turner, par ailleurs, a élaboré une théorie remarquable du symbolisme rituel, à propos de rites relatifs aux accidents de la vie individuelle (maladies, infortunes, stérilité, etc.) qu'il appelle « rites d'affliction ». Il analyse leur signification (meaning) et la « syntaxe » de leur symbolisme en y distinguant trois niveaux : la dimension de l'exégèse indigène (pour l'arbre à latex blanc mudyi, l'association : latex, lait, matrilignage, féminité, maternité ; pour l'arbre mukula – qui exsude une gomme rouge et sert dans des rituels de fécondité féminine –, l'association : rouge, menstrues, maturation, continuité lignagère) ; la dimension opératoire, ou sens du symbole en fonction de sa récurrence dans d'autres rituels, sa valeur situationnelle ; la dimension positionnelle ou la relation du symbole avec les autres symboles, son insertion dans un système de symboles, que seul l'anthropologue peut appréhender.

L'importance qu'attache Turner à la compréhension du symbolisme inhérent aux actions et objets rituels, et qui fut déjà signalée par Radcliffe-Brown, introduit à l'une des grandes théories contemporaines du rituel. Ce dernier a une fonction de communication et il sert à une communication qui est essentiellement expressive et symbolique. Il « dit quelque chose » plutôt qu'il ne « fait quelque chose ». C'est E. Leach qui a le plus clairement développé cette perspective. Dès son étude sur les systèmes politiques birmans, il a montré que le rituel n'est pas une catégorie distincte de comportement, mais un aspect possible de toute activité humaine. Certaines activités servent à « faire des choses », à altérer l'état physique du monde ; ou, comme le dit J. Goody, la relation entre les moyens et les fins est « intrinsèque » et rationnelle (ainsi, se couvrir s'il fait froid). D'autres activités servent à « dire des choses » (ainsi, le type de vêtements choisi pour se couvrir) ; elles communiquent de l'information, qui peut être comprise par autrui. Le premier aspect est l'aspect technique (« instrumental »), le second l'aspect esthétique ou communicatif, lequel est dominant dans le rituel, même si le premier n'en est pas entièrement absent, comme on le voit à travers les rituels qui, dans toutes les sociétés, encadrent les activités de subsistance (s'alimenter, produire, etc.). De nombreux autres auteurs ont insisté sur le côté expressif du rituel, tels R. Firth – pour qui celui-ci est une « activité modélisée (patterned), orientée vers le contrôle des affaires humaines, avant tout de caractère symbolique » – et J. Beattie.

Leach affirme que comprendre la signification d'un rituel revient à comprendre celle des « règles grammaticales d'un langage inconnu » ; il assimile nettement le rituel à un code de communication de type linguistique, impliquant de même une connaissance et une acceptation partagées par les acteurs des règles de ce code. Même s'il ne nie pas que le rituel « fasse » aussi des choses dans l'esprit des participants (il mentionne à ce sujet les rituels thérapeutiques et les « rituels de rébellion » cathartiques), même s'il admet que la persistance du rituel tient à des conceptions relatives à des puissances inobservables ou séculières, l'analyse de Leach se réduit à une découverte des règles du code. En cela, il n'est pas éloigné de la perspective de Claude Lévi-Strauss, lequel d'ailleurs ne s'est pas vraiment intéressé au rituel : dans le finale de L'Homme nu, il compare les mythes à la musique, puis aux rites, dans lesquels il en vient à voir une « tentative de refaire du continu à partir du discontinu », un « abâtardissement de[...]

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Danse rituelle, E. S. Curtis - crédits : AKG-images

Danse rituelle, E. S. Curtis

Rituel de passage - crédits : Paul Chesley/ The Image Bank/ Getty Images

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