RUNCIE ROBERT A. K. (1921-2000)
Originaire de Crosby, près de Liverpool, Robert Alexander Kennedy Runcie y découvrit une paroisse de tradition anglo-catholique, tradition qu'il n'oublia jamais. La guerre interrompit sa première année d'études à Oxford. Il servit brillamment comme officier dans les Scots Guards, participa au débarquement en Normandie et reçut la Military Cross. Il revint à Oxford étudier l'histoire ancienne, mais se souvenant bientôt de ce qu'il avait découvert à Crosby, se dirigea « après bien des hésitations » vers le sacerdoce et entra à Westcott College, à Cambridge, collège de tendance catholique libérale, où du reste sont passés bien des futurs évêques de l'Église d'Angleterre. Après son ordination et quelques postes d'enseignement à Cambridge, il devint principal à Cuddesdon College, un collège de théologie près d'Oxford décrit à cette époque comme quasi monastique. C'est de là qu'il fut appelé en 1970 au siège épiscopal de Saint-Alban et, après avoir refusé l'archevêché d'York, il devint en 1980, à la surprise de beaucoup, le cent deuxième archevêque de Canterbury, primat de toute l'Angleterre et président de la Communion anglicane.
Être archevêque dans les années 1980 était une tâche difficile. Cet homme modéré, soucieux d'écouter tous les points de vue, n'hésita pas à critiquer la politique du gouvernement Thatcher, qui « traite les pauvres comme les rebuts de la société ». Il soutint les mineurs en grève, affirmant qu'un évêque qui se préoccupe du bien-être des hommes ne peut éviter de faire des déclarations politiques. Par souci des otages, il envoya Terry Waite à Beyrouth, mission qui aurait pu finir en tragédie. Les rapports demandés par l'archevêque : Foi dans la ville (1985) suivi de Foi dans le monde rural (1990) furent une manière pour l'Église d'interpeller le gouvernement sur sa politique économique. C'est en « l'Église de Runcie », disait-on à cette époque, qu'est la seule véritable opposition.
Dans l'Église d'Angleterre, les questions ne manquaient pas : controverse sur la résurrection du Christ autour de l'évêque de Durham, discussions sur le remariage des divorcés, l'ordination des homosexuels et des femmes... Il nomma une commission doctrinale qui produisit un rapport sans doute trop académique et pas assez pastoral. Ce qui l'intéressait, c'était la tâche de l'évêque, et il laissait à d'autres la bureaucratie et les finances qui, à cette époque, furent dans une situation difficile.
Il manifesta son souci de l'unité des Églises, notamment en présidant la commission doctrinale bipartite avec les orthodoxes où grâce à ses efforts de conciliation le dialogue continua, malgré l'acceptation de l'ordination des femmes par un nombre croissant d'Églises de la Communion anglicane (États-Unis, Canada, Nouvelle-Zélande). En 1982, il reçut Jean-Paul II dans sa cathédrale ; événement extraordinaire : le successeur d'Augustin, premier archevêque de Canterbury (597) recevait le successeur du pape Grégoire Ier, comme il le dit dans son mot d'accueil. Contacts et visites continuèrent ; il espérait un style de primauté débarrassé de sa juridiction et au service de l'unité de l'Église de Jésus-Christ. C'est dans cet esprit qu'il participa à la réunion de prière pour la paix à Assise en 1986. « Là j'ai eu la vision et l'intuition d'un autre style du ministère de Pierre, une primauté telle que décrite par la Commission internationale anglicane-catholique plutôt qu'une monarchie papale. »
Homme de conciliation, perpétuel médiateur – certains dirent qu'il manquait de convictions, le qualifièrent de trop diplomate pour un archevêque –, il sut présider, en 1988, une difficile conférence[...]
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Écrit par
- Suzanne MARTINEAU : B.D. Oxford (maîtrise en théologie), enseignante en retraite
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