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ALDRICH ROBERT (1918-1983)

Robert Aldrich doit beaucoup à la critique française, qui sut très tôt déceler l'originalité de son talent. Dès 1955, les futurs meneurs de la Nouvelle Vague firent de Kiss Me Deadly (En quatrième vitesse) un de leurs films de chevet. L'œuvre avait, en effet, tout pour séduire : un mélange détonant de violence crue et de poésie ; une liberté formelle surprenante, prémonitoire ; un codage très élaboré, dissimulant sous l'apparence d'un simple film policier de série B une virulente dénonciation du maccarthysme et du péril nucléaire. Réédité depuis lors à plusieurs reprises, En quatrième vitesse conserve l'essentiel de ses vertus, même si son originalité nous frappe désormais de manière moins « physique » que lors de sa création : nous décelons plus aisément ce que ses audaces syntaxiques doivent à Orson Welles ; nous mesurons mieux la part du scénariste A. I. Bezzerides, adaptateur du roman de Mickey Spillane, dans le savant et surprenant mariage de brutalité et de préciosité qui fait la séduction de ce chef-d'œuvre du film noir.

Un film-manifeste

Robert Aldrich s'était posé d'emblée un redoutable défi à lui-même. En quatrième vitesse n'en est pas pour autant une réussite totalement isolée dans sa carrière fantasque et irrégulière.

Le « discours » d'Aldrich, qui se développera à partir de ce film charnière (et qui s'esquissait déjà en 1954, dans Vera Cruz), prendra des formes variées, revêtira à l'occasion une tonalité grotesque ou farcesque, s'articulera sur des genres aussi distincts que le western, le film de guerre ou le mélodrame « gothique », mais restera centré, pour l'essentiel, sur les mêmes conflits de valeurs et sur la même typologie de personnages. Par-delà ses errements avoués et ses éclipses successives, Aldrich aura manifesté, en effet, une obstination très méritoire : sa forme particulière d'honnêteté – entachée ici et là de commercialisme patent – aura consisté à reprendre, périodiquement, l'exposé de ses doutes, de ses colères et de ses déchirements. La cohérence de son propos aura consisté à s'avouer perplexe, et son art à nous faire partager, parfois, cette perplexité.

Qu'est-il arrivé à Baby Jane ?, R. Aldrich - crédits : Bettmann/ Getty Images

Qu'est-il arrivé à Baby Jane ?, R. Aldrich

Robert Aldrich est né le 9 septembre 1918 à Cranston (Rhode Island, États-Unis). Le cinéma d'Aldrich a pris naissance dans les années 1950, période de repli angoissé et d'incertitude qui lui inspira un goût persistant pour le huis clos et les ambiances oppressantes (The Big Knife / Le Grand Couteau, 1955 ; Whatever Happened to Baby Jane ? / Qu'est-il arrivé à Baby Jane ?, 1962 ; Autumn Leaves / Feuilles d'automne, 1965 ; The Killing of Sister George / Faut-il tuer Sister George ?, 1968). Mais il se réclame aussi de l'humanisme protestataire et tourmenté des années 1930 et 1940 qu'incarnèrent, au théâtre et à l'écran, des hommes comme Clifford Odets, Abraham Polonsky et Robert Rossen. Aldrich a reconnu avec franchise sa dette à l'égard d'un film clé du tandem Rossen-Polonsky : Body and Soul / Sang et or (1947), tourné à l'aube du maccarthysme. Il a fait sienne la thématique du rachat, qu'il a illustrée dans plusieurs de ses films. Bronco Apache (1954), Attack ! / Attaque (1956), The Longest Yard / Plein la gueule (1974) et Le Grand Couteau relèvent, clairement, de ce schéma : ils nous montrent des individualistes, des marginaux, des rebelles qui s'affirment en luttant contre l'autorité. Mais la reconquête de la dignité ne prend pas, chez Aldrich, une tonalité systématiquement triomphaliste. Les lutteurs qui peuplent son cinéma n'ont rien d'exemplaire. Ils s'illusionnent volontiers sur eux-mêmes, poussés par une suffisance naïve, par une angoisse irrémédiable ou un penchant sournois à l'autodestruction. Aldrich aime les hommes douteux : Dan Duryea dans [...]

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Qu'est-il arrivé à Baby Jane ?, R. Aldrich - crédits : Bettmann/ Getty Images

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