ALTMAN ROBERT (1925-2006)
La fin d'une époque
À côté de cette critique de l'Amérique et de ses images, il existe une tendance plus intimiste, plus européenne du cinéma d'Altman, inaugurée avec That Cold Day in the Park, qui ouvre un cycle fondé sur l'exploration de fantasmes féminins – spectacles intimes que cette fois les personnages se donnent à eux-mêmes – qui se poursuivra avec Images et Trois Femmes. Le second film, sans doute le plus formellement ambitieux et agressivement expérimental, est parfois qualifié de Marienbad d'Altman. L'impossibilité de s'orienter précisément entre présent, passé, imaginaire ou réel le rattache également à deux autres expériences, celle de Brewster McCloud, qui joue sur le spectacle de l'Amérique et un symbolisme facile (une version moderne du mythe d'Icare), mais utilise des matériaux disparates et inégaux, et celle de Quintet, où une hermétique et fastidieuse histoire de jeu renvoie à l'univers plus picaresque et ludique de California Split.
Le jeu caractérise parfaitement la recherche conduite par Altman d'un cinéma qui ne se réduise pas à son résultat figé sur l'écran, mais propose au spectateur le cheminement d'une œuvre en train de se faire (ou de se défaire). La négativité du cinéma altmanien n'a jamais été aussi efficace que lorsqu'il donnait au spectateur ne serait-ce que l'illusion de participer à la destruction d'un rituel social en même temps qu'à une création. Les années 1980 ne lui offriront plus les mêmes possibilités en raison de l'évolution économique d'Hollywood – et l'échec tant commercial qu'esthétique de Popeye est significatif –, du rejet par le public de la mise en question de ses mythologies comme de l'imperfection de l'inachèvement : le règne des Lucas et Spielberg... commence. Altman s'épuise alors quelques années dans un système qui tourne sur lui-même, qu'il s'agisse de Health, d'Un couple parfait, de Fool for Love ou de Beyond Therapy. Seul Secret Honor rappelle la verve et la fantaisie d'autrefois, qui nous montre Richard Nixon délirant aux prises avec un magnétophone. Vincent et Théo (version télévisée ou cinématographique) reflète un parfait anonymat. L'auteur prolonge sa passion du jeu et de l'expérimentation à la télévision : Laundromat, en France, ou à travers le reportage-fiction Tanner 88, sur la campagne présidentielle d'un candidat fictif.
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Écrit par
- Joël MAGNY
: critique et historien de cinéma, chargé de cours à l'université de Paris-VIII, directeur de collection aux
Cahiers du cinéma
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