BOULIN ROBERT (1920-1979)
Né le 20 juillet 1920 à Villandraut (Gironde), dans une famille modeste, le jeune Robert Boulin rêvait de devenir médecin. Ses parents lui conseillent plutôt de faire son droit : les études médicales coûtent cher.
Robert Boulin sera donc avocat. Il s'inscrit au barreau de Libourne, en 1946. Mais, entre-temps, son intérêt pour la chose publique s'est aiguisé. La guerre a joué le rôle de révélateur et transformé une carrière en destinée. En 1940, Robert Boulin rejoint Londres. Il a vingt ans. Il participe aux activités du réseau Navarre, ce qui lui vaudra la Croix de guerre et la médaille de la Résistance.
Son retour à Libourne, son inscription au barreau n'ont plus dès lors la même importance. La politique l'attire désormais. En 1947, il devient conseiller national des Républicains sociaux. Et puis il y a ce jeune général de la Résistance qui devient « duc de Bordeaux » ; son amitié avec Jacques Chaban-Delmas se noue à ce moment-là. Un autre baron du gaullisme jouera un rôle important dans sa carrière : Olivier Guichard, le collaborateur du général de Gaulle, le pousse à briguer le siège de député de Libourne en 1958.
Député de la Gironde depuis 1958, maire de Libourne depuis 1959, Robert Boulin a tout pour devenir un de ces notables inamovibles que sécrètent la vie provinciale et les habitudes politiques françaises. Mais la vocation de Robert Boulin est ailleurs. Cela pourrait s'écrire : « profession : ministre ». Robert Boulin a, en effet, fait d'une fonction, par définition éphémère, un métier. Il fut treize fois ministre. Il détint neuf portefeuilles différents. Mais, surtout, il resta seize ans au gouvernement entre le 24 août 1961 et le 30 octobre 1979. Un ministre technicien, une sorte de supergrand commis de l'État.
L'aventure ministérielle de Robert Boulin a commencé en 1961 avec ce dialogue étrange : le général de Gaulle reçoit son « compagnon » à l'Élysée et, tout à trac, lui demande : « Monsieur le député-maire, que connaissez-vous au problème des rapatriés ?
– Rien, répond franchement Robert Boulin.
– Acceptez-vous de vous en occuper ?
– Oui.
– Je vous remercie. Monsieur le secrétaire d'État, vous avez une belle tâche. »
La tâche sera plus lourde qu'il n'y paraît alors. En effet, après les accords d'Évian et l'indépendance algérienne, le problème des rapatriés sera plus qu'un dossier embrouillé, un véritable drame humain. Un an plus tard, il devient secrétaire d'État au Budget. Le secrétaire d'État d'un ministre des Finances plein d'avenir, Valéry Giscard d'Estaing. Un poste âpre, rude, une extraordinaire école aussi. De ces six ans, il a un souvenir mélangé qu'il évoque ainsi : « une vie de bénédictin ». Après ce long surplace, les ministères se succèdent : ministre de la Fonction publique pendant quarante jours, ministre de l'Agriculture pendant neuf mois, ministre de la Santé et de la Sécurité sociale pendant trois ans, ministre des Relations avec le Parlement pendant huit mois.
L'élection à la présidence de la République de Valéry Giscard d'Estaing, en 1974, interrompt un temps la carrière ministérielle de ce chabaniste ardent. Pourtant, dès que Jacques Chirac quitte l'hôtel Matignon, en 1976, son successeur, Raymond Barre, rappelle Robert Boulin comme ministre des Relations avec le Parlement, puis comme ministre délégué à l'Économie et aux Finances, et enfin comme ministre du Travail et de la Participation.
Robert Boulin est devenu un parfait technicien de la chose publique. Il sait à merveille débrouiller un dossier touffu ou un débat qui prend mauvaise tournure. L'homme a pris l'habitude de se lever à cinq heures du matin pour « avaler des dossiers ». Qu'est-ce qu'un ministre ? Il répond : « Je suis un bon lecteur de dossiers.[...]
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Écrit par
- Christian SAUVAGE
: chef du service politique du
Journal du dimanche - Encyclopædia Universalis : services rédactionnels de l'Encyclopædia Universalis
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