CAPA ROBERT (1913-1954)
Viser au plus près
Jusqu'à la dernière photo – le lieu où il sauta sur une mine en franchissant un fossé –, les planches contacts de Robert Capa présentent une continuité narrative, une poursuite du « moment décisif », selon la formule chère à Cartier-Bresson. Avec celui-ci, David Seymour « Chim » et George Rodger, il créa l'agence Magnum en 1947. Conflit après conflit, Capa prit les mêmes images de la guerre dans son uniformité et où, en dépit de la mort, la vie continue : fureur des combats, comme celles parmi les plus fortes et les plus intenses que l'on ait prises du Débarquement, le 6 juin 1944, mais aussi repos des hommes derrière les lignes, préparatifs à l'assaut, réfugiés aux maisons détruites par les bombes, civils fuyant devant l'avance des troupes ennemies, alertes de raids aériens, blessés, cadavres, décombres. Refusant tout effet technique, Capa affirme la force de l'image en tant que document historique. En 1947, il écrit son livre Slightly out of Focus, qui brosse le portrait d'un photographe en guerre, du côté des Américains de 1942 à 1945, tant sur les lieux d'affrontement que hors champ, auprès de la douleur des autres (vainqueurs, vaincus, familles devant les ruines, femmes en larmes).
Capa ne manque pas d'exprimer son affection véritable pour les gens, sa vive compréhension et sa sympathie pour toutes les victimes de la guerre. « Si vos photos ne sont pas assez bonnes, c'est que vous n'êtes pas assez près », aimait-il dire souvent, en bon journaliste professionnel, à ses amis photographes. Mais, au-delà de l'humour, de l'ironie, de l'attitude désinvolte qu'il avait vis-à-vis de son propre courage, il possédait une grande force d'émotion qui l'amena à dire : « Ce n'est pas toujours facile d'être là tout près, incapable de faire quoi que ce soit, sinon témoigner des souffrances autour de soi. »
Son œuvre compte cependant quelques images de paix : photos de la vie des rues parisiennes, des fêtes de la Libération et des boîtes de strip-tease, des enfants dans l'après-guerre du Japon et de nombreux amis célèbres : Hemingway (qui s'inspira de ses photographies pour écrire Pour qui sonne le glas en 1940), Picasso, Gary Cooper, Ingrid Bergman. Lorsqu'il couvre le Tour de France en 1939, Capa photographie aussi bien les cyclistes que ce qui se passe en marge de l'événement – les spectateurs, les familles des coureurs.
Étroitement lié à tous les grands événements du milieu du siècle, Capa lui appartient tout entier, par son témoignage humaniste comme par le mythe du grand reporter qu'il contribua largement à fonder.
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Écrit par
- Elvire PEREGO : historienne de la photographie, département de la recherche bibliographique, Bibliothèque nationale de France
- Encyclopædia Universalis : services rédactionnels de l'Encyclopædia Universalis
Classification
Média
Autres références
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