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CONQUEST ROBERT (1917-2015)

Conservateur assumé et anticommuniste notoire, l’historien britannique Robert Conquest a inlassablement dénoncé pendant cinquante ans la nature violente du régime soviétique. Si ceux qui le voulaient étaient informés depuis les écrits des déçus exilés Boris Souvarine ou Victor Serge dans les années 1930, sans oublier Trotski ou l’affaire Kravtchenko en 1946-1950, Robert Conquest a le premier démontré scientifiquement le caractère total de la terreur de masse dans l’U.R.S.S. de Staline. Au fil d’une vingtaine d’ouvrages, le chercheur de la Hoover Institution de Stanford (où il exerce à partir de 1981) a fortement contribué à dessiller les Occidentaux aveuglés par la « grande lueur à l’Est ».

Né le 15 juillet 1917 à Malvern (Worcestershire, Royaume-Uni), George Robert Ackworth Conquest a effectué ses études à Grenoble, puis à Oxford, où il soutient, à vingt ans, une thèse en histoire soviétique – mais c’est alors la poésie qui l’attire. Il n’a d’ailleurs jamais cessé son activité littéraire, et ses qualités d’écriture et d’analyse, tout comme sa connaissance fine de la littérature soviétique, font l’originalité de ses travaux. Le jeune homme possède une expérience personnelle du communisme : il a adhéré brièvement au Parti communiste à Oxford et surtout observé le système socialiste lors de sa mission dans la Bulgarie occupée par l’Armée rouge en 1944. Au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, Conquest s’engage à l’Information Research Department, organe gouvernemental de propagande antisoviétique, qu’il quitte en 1956 pour se lancer dans la rédaction de livres de vulgarisation ou d’ouvrages académiques, souvent non traduits. En moins d’une décennie, à compter de 1960, avec Common Sense About Russia et Power and Politics in the U.S.S.R. (sur la période khrouchtchévienne), il livre des études sur la religion, les ouvriers, les agriculteurs ou la justice soviétiques.

En 1968, en pleine remise en cause du communisme stalinien par l’extrême gauche européenne, Conquest imprime un tournant majeur à son travail. Il se consacre désormais à la révélation des crimes staliniens lorsqu’il écrit La Grande Terreur : les purges staliniennes des années trente (1968), suivi en 1986 de Sanglantes moissons : la collectivisation des terres en URSS (1995 en français). Entre ses deux opus majeurs, il analyse la déportation des nationalités (1970), le système de camps de la Kolyma (1978) ou la police politique soviétique (1985). L’historien prend aussi nettement parti dans la guerre froide pour la politique offensive de Ronald Reagan, dans ses discours, ses entretiens, ses livres ou son enseignement. Son roman d’anticipation What to Do When the Russians Come : a Survivor’s Guide (1984) participe d’ailleurs de la vague d’œuvres jouant sur la peur du « Rouge » aux États-Unis. Quinze ans plus tard, Conquest persiste et signe dans Le Féroce XXe siècle : réflexions sur les ravages des idéologies (2001 en français), enquête sur les racines du fanatisme politique qui affirme une équivalence claire entre nazisme et communisme.

Si l’on ajoute à ce tableau une tendance à annoncer à chaque ouvrage des révélations cruciales et ses attaques répétées contre une gauche européenne – de George Bernard Shaw à Jean-Paul Sartre, en passant par Bertolt Brecht – coupable d’idolâtrer Staline, on ne s’étonnera pas de la réception contrastée et virulente de ses livres. Les soviétologues « révisionnistes » promoteurs d’une histoire sociale de l’expérience soviétique lui reprochent en particulier l’exagération du nombre de victimes du régime (20 millions) et la faiblesse des preuves documentaires à l’appui de ses thèses : mémoires et témoignages, données indirectes déduites de statistiques par ailleurs lourdement censurées. Alors que Robert Conquest promet en 1991 avec la réédition de [...]

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Écrit par

  • : maître de conférences en histoire, université de Strasbourg

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