COOVER ROBERT (1932-2024)
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Le romancier américain Robert Coover est originaire du Middle West. Il est né le 4 mars 1932 à Charles City, dans l'Iowa. On était alors en pleine dépression à la suite du krach boursier de 1929. Au chômage, son père était parti « sur la route » ; la famille s'était repliée dans la maison du grand-père maternel, un pasteur luthérien de souche allemande qui laissa son empreinte sur le jeune « Bob ». Son adolescence se passe dans le « pays noir », le pays minier du sud de l'Illinois, où son père travaille au journal local. Après des études aux universités d’Indiana et de Chicago, il enseigna à son tour, notamment à l’université Brown (Providence, Rhode Island), de 1979 à 2012.
Retour à l’Illinois pour son premier roman, The Origin of the Brunists(1966) : un coup de grisou au fond d'un puits a fait près de cent victimes ; des décombres, on retire un seul survivant, un immigrant italien du nom de Giovanni Bruno ; sa « résurrection » quasi miraculeuse donne bientôt naissance à une sorte d'Église primitive qui narre la geste de ce « prophète et plus que prophète », recueille ses paroles dans des « Évangiles », compose des hymnes et des cantiques, invente une liturgie, puis se rassemble pour attendre la fin des temps promise par son Testament.
Satire, dans la lignée du Sinclair Lewis d'Elmer Gantry, de l'effervescence religieuse qui a si souvent scandé l'histoire de l'Amérique, ce premier roman est aussi une « métafiction » – une réflexion sur l'origine non seulement des Brunistes, mais aussi de tout récit. De même que ses amis William Gass et John Hawkes, ou ses contemporains John Barth et E. A. Doctorow, Coover part du constat que le roman comme forme est arrivé à épuisement. Dès qu'il commence à écrire, vers 1957, dans l’ère de l'après-Beckett, il entreprend, dans le mouvement de ce qu’on appellera par la suite « postmodernisme », de dresser l'inventaire des « histoires » possibles, de mettre à nu la morphologie des contes du répertoire, puis de les raconter à nouveau sous un angle, ou dans un registre linguistique, qui les « défamiliarise ». Ces « nouvelles exemplaires » – à la manière du recueil de Cervantès –, où pendant une décennie Coover fit ses gammes, furent publiées en recueil dans Pricksongs & Descants (1969 ; La Flûte de Pan). Toute sa carrière, Coover est resté fidèle au projet qui s'y dessine.
Entre-temps, il publie son second roman, The Universal Baseball Association (1968). Il imagine un obscur comptable qui, lorsqu'il rentre chez lui le soir, joue au base-ball avec trois dés sur la toile cirée de sa cuisine. Chaque nombre correspond à un coup ou à un incident. De semaine en semaine, les « saisons » se succèdent – leurs archives forment en fait une micro-histoire du monde depuis le chaos d'avant la Genèse jusqu'à l'Apocalypse que déclenche le triple six (666, « le chiffre de la Bête »). Rien n'est plus codé que le base-ball et rien n'est plus représentatif de l'Amérique, de ses lieux de mémoire, de sa « Prairie perdue », territoire originel et fantasmé tout au long de la littérature américaine.
Pendant dix ans, Coover travaille à son « grand roman américain », prévu pour la célébration du bicentenaire de la nation : The Public Burning (Le Bûcher de Times Square, 1977). L'exécution, le 18 juin 1953, des époux Rosenberg, accusés d'espionnage, fut la grande affaire des années 1950. Coover imagine que la chaise électrique a été dressée non dans le secret de la prison de Sing Sing mais sur une estrade, au beau milieu de la place publique, sous les néons de Times Square à New York. Le spectacle est mis en scène par le Barnum du xxe siècle, Cecil B. De Mille, sur une chorégraphie de Busby Berkeley. Monsieur Loyal, c'est Oncle Sam[...]
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Écrit par
- Pierre-Yves PÉTILLON : professeur de littérature américaine à l'université de Paris IV-Sorbonne et à l'École normale supérieure
- Encyclopædia Universalis : services rédactionnels de l'Encyclopædia Universalis
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Média