ROBERT DE BORON (fin XIIe-déb. XIIIe s.)
Travaillant pour Gautier de Montbéliard, un croisé qui mourut en Terre sainte (1212), Robert de Boron a pu découvrir la littérature byzantine et syriaque. Ce clerc mettra un tel savoir, acquis peut-être à Chypre, au service d'une grande entreprise de synthèse poétique : il s'agit de rattacher les légendes celtiques, avec le mythe du Graal, aux origines du christianisme dans une sorte d'allégorie chrétienne de la Rédemption. C'est en vers que Robert de Boron a dû composer sa trilogie : le Joseph d'Arimathie ou Roman de l'estoire dou Graal, Merlin et Perceval. Seuls le premier de ces trois textes et le début du deuxième nous ont été conservés dans un manuscrit, mais une ou plusieurs versions en prose (Merlin en prose, Perceval de Modène et Didot-Perceval) nous transmettent le contenu de l'œuvre. Pour l'Estoire, les sources sont dans la Bible, mais aussi dans des textes apocryphes comme l'Évangile de Nicodème et La Vengeance du Sauveur. On nous dit, en particulier, comment Joseph fut maintenu en vie dans sa prison grâce au « vaissel » dans lequel le Christ avait institué l'Eucharistie au cours de la Cène, vase qui est aussi le calice où fut recueilli son sang. Le transfert de cette relique à Glastonbury assure le lien entre les âges et les civilisations : le calice devient le Graal. Le Merlin raconte l'histoire du Graal jusqu'à la fondation de la Table ronde annoncée sous forme de prophétie par ce curieux personnage, dont l'idée vient de Geoffroy de Monmouth. Ébauche manquée de l'Antéchrist, Merlin, fils d'un incube et d'une vierge, introduit, avec un élément de merveilleux distrayant, le conflit qui définit la chevalerie chrétienne. Mais on doit surtout admirer cette conception architecturale, au service d'une idéologie annexionniste, qui sera encore élargie par le Lancelot-Graal.
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Écrit par
- Daniel POIRION : ancien élève de l'École normale supérieure, professeur à l'université de Paris-Sorbonne
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