DE NIRO ROBERT (1943- )
Robert De Niro est un acteur exemplaire de la mutation du cinéma hollywoodien à l’articulation des années 1960-1970. « Les films de Hollywood jusqu’aux années 1950 étaient des rêves, des voyages que la plupart d’entre nous n’entreprendraient jamais », explique le réalisateur Sydney Pollack dans sa préface à Pacino/De Niro, regards croisés. Et il ajoute : « Leur succès se mesurait souvent à la distance qui les séparait de la réalité de nos vies ordinaires. » Mais, dans les années 1960, tout a été progressivement remis en question, à commencer par « ce que cela signifiait d’être américain, et ce que l’on entendait exactement par “héros américain” ». Le nouveau héros devait vivre des « vraies vies » dans un univers quotidien. Il ne pouvait donc pas être l’homme d’un seul rôle, d’un seul costume – le mythique trench-coat de Bogart –, mais devait offrir toutes les facettes de ceux que nous côtoyons. Robert De Niro incarne alors ce nouveau « héros américain », comme Al Pacino ou Dustin Hoffman, mais porté à la puissance dix par la variété de ses compositions élaborées avec un soin maniaque, et par leur nombre (près de cent !). Il puise en même temps en lui-même de quoi nourrir chaque personnage, permettant au spectateur de retrouver de film en film l’homme De Niro. L’acteur devient, à sa manière, un « auteur ».
Un acteur caméléon
Robert Anthony De Niro est né le 17 août 1943. Parce qu’on a tendance à l’identifier au Johnny Boy de MeanStreets (Martin Scorsese, 1973), ou aux personnages de son premier film comme réalisateur, A Bronx Tale (Il était une fois le Bronx, 1993), on imagine le jeune De Niro comme un voyou inculte et un bagarreur impénitent. Pourtant, son père, Robert De Niro, né à Syracuse (New York), issu d’une famille italo-irlandaise, est peintre, et sa mère, Viriginia Admiral, originaire de l’Iowa, est également une artiste-peintre réputée de Greenwich Village et l’amie de Pauline Kael, future critique du NewYorker. Robert Jr a deux ans lorsqu’ils se séparent. Il connaît une enfance et une adolescence très libres dans les rues de Little Italy. Son père l’emmène fréquemment au cinéma et lui transmet sa fascination pour Greta Garbo. À seize ans, ses parents ne font pas obstacle à sa vocation théâtrale. Il suit divers cours, dont celui de Stella Adler (qui forma Marlon Brando) et participe à des séances de l'Actors Studio de Lee Strasberg et Elia Kazan. Après avoir joué dans des spectacles off-Broadway et fait de la figuration dans quelques films, il doit ses vrais débuts au cinéma à Brian De Palma dans une œuvre quasi expérimentale, Wedding Party (tourné en 1964), que suivront Greetings (1968), et Hi, Mom ! (1970). En 1973, le public américain lui porte un certain intérêt dans Bang the DrumSlowly (Le Dernier Match), de John D. Hancock, où il incarne un joueur de base-ball lourdaud, chahuté par ses amis, en phase terminale d’une maladie incurable. En trois ans, la réputation du jeune acteur ne cesse de grandir. Frappe surtout l’étendue de son registre. Le voyou irresponsable, bagarreur et mafioso en herbe de MeanStreets incarne, l’année suivante, Vito Corleone jeune, futur parrain de la mafia (The Godfather : part II – Le Parrain II – de Francis Ford Coppola, 1974). Une prestation qui lui vaut l’oscar du meilleur acteur dans un second rôle. En 1976, il est successivement chauffeur de taxi psychopathe dans Taxi Driver (Scorsese), propriétaire foncier, lâche et complice des fascistes dans Novecento (1900, de Bernardo Bertolucci), et producteur hollywoodien à la fois tout-puissant, romantique et mélancolique dans The Last Tycoon (Le Dernier Nabab, d’Elia Kazan)...
Robert De Niro n’a rien d’un comédien passe-partout qui profiterait d’un talent inné pour glisser d’un rôle à un autre à la recherche de succès faciles. Dès 1970, [...]
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Écrit par
- Joël MAGNY
: critique et historien de cinéma, chargé de cours à l'université de Paris-VIII, directeur de collection aux
Cahiers du cinéma
Classification
Média
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