DE NIRO ROBERT (1943- )
Un univers gagné par le doute
Solitaire et timide, en quête de reconnaissance et de pureté mais en proie à une obsession de la survie qui peut virer à l'égocentrisme et à une mégalomanie lui faisant perdre tout contact avec la réalité, ne lui offrant d'échappatoire que dans une violence et une folie autodestructrices, De Niro incarne, à travers ses personnages, l'image d'une Amérique de moins en moins civilisée : hétérogène, incapable de retrouver une unité perdue. Le film le plus significatif et le plus dérangeant de sa carrière est à ce titre Taxi Driver. Moins pour sa violence que pour l’ambiguïté du personnage de Travis Bickle, très proche de la personnalité de De Niro comme de celle de Scorsese. Déjà, la première phrase de Main Streets, dite en voix off par le réalisateur lui-même, les concerne en fait tous les deux : « On ne s’acquitte pas de ses péchés à l’église. On le fait dans la rue, on le fait chez soi. » On pourrait ajouter : et sur un plateau de cinéma... Scorsese ne cache pas que, dans ce film, De Niro représente ce que lui-même ne pouvait être : « Moi, j’étais asthmatique, donc incapable de me battre ; non seulement je n’avais pas le courage, mais en plus, à cause de l’asthme, je pouvais difficilement m’enfuir en courant. » Vingt ans plus tard, le premier film de De Niro en tant que réalisateur, A Bronx Tale (Il était une fois le Bronx, 1993), fait écho aux thèmes et aux personnages de Mean Streets, l’acteur y interprétant un père « biologique », Lorenzo, qui tente vainement de faire respecter quelques principes moraux et la noblesse d’un travail honnête à son fils Calogero, fasciné par un père symbolique, le caïd Sonny...
Au bout du chemin, la destruction, l'autodestruction et le plus souvent la mort. Mais aussi une forme de rédemption... En 2006, la seconde réalisation de De Niro, The Good Shepherd (Raisons d’État), aborde les thèmes de la guerre froide et de la création de la CIA. S’y mêlent également les liens de paternité réels ou fantasmés, et l’effondrement des valeurs morales.
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Écrit par
- Joël MAGNY
: critique et historien de cinéma, chargé de cours à l'université de Paris-VIII, directeur de collection aux
Cahiers du cinéma
Classification
Média
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