DESNOS ROBERT (1900-1945)
Le surréalisme est un curieux mouvement littéraire : tous les grands écrivains qui en ont fait partie se sont réalisés après l'avoir quitté. Il semble ainsi que la notion de « grand écrivain surréaliste » ne corresponde à aucune réalité. Encore faut-il considérer que certains amis d'André Breton, et parmi les plus doués, sont morts très jeunes : René Crevel, Jacques Rigaut, ou se sont vite plongés dans un ombrageux silence, comme Benjamin Péret. Il existe pourtant un poète important qui sut rester profondément surréaliste après sa rupture avec André Breton, tout en élaborant une œuvre tout à fait personnelle : bien qu'« assassiné » à l'âge de quarante-cinq ans, et dans d'affreuses conditions, Robert Desnos n'a jamais cessé d'être Robert Desnos.
Une vie de franc-tireur
Robert Desnos est né le 4 juillet 1900 à Paris, près de la Bastille. Très tôt, ses parents viennent s'installer dans la maison qui fait le coin de la rue Saint-Martin et de la rue des Lombards (au sixième étage), en face de l'église Saint-Merri. C'est un quartier auquel il restera attaché toute sa vie, et dont il parlera souvent dans ses poèmes. Son père est rôtisseur de volailles et mandataire aux Halles. Il est également adjoint au maire de son arrondissement.
Le jeune Robert ne fait pas de bonnes études : le climat scolaire ne lui convient probablement pas. D'ailleurs, à seize ans, il entre comme commis chez un droguiste de la rue Pavée. Mauvais élève, soit, mais déjà attiré par la littérature : en 1917, il publie ses premiers poèmes dans La Tribune des jeunes, revue socialiste, et commence à noter ses rêves, ce qui est plus surprenant.
En 1919, Desnos aborde en professionnel le métier des lettres : secrétaire de l'éditeur Jean Bonnefon, il publie également des poèmes dans Le Trait d'union. Il compose Le Fard des Argonautes en alexandrins soigneusement rimés et fait la connaissance de Benjamin Péret chez un ami commun.
De 1920 à 1922, Desnos accomplit son service militaire au Maroc. À son retour, Dada consume ses dernières braises. Le jeune poète collabore à la deuxième série de Littérature. Dès que le groupe surréaliste prend forme, Péret l'emmène au Certa, bar aujourd'hui disparu du passage de l'Opéra, où Breton réunissait ses nouveaux partisans. On s'y livre à des expériences d' écriture automatique, notamment sous hypnose. Très vite, Robert Desnos prend une importance singulière, à cause de son admirable (et inattendue) capacité à s'endormir et à dicter des poèmes pendant son sommeil. La première séance de ce genre (historique, donc) a lieu le 25 septembre 1922, avec également René Crevel et Benjamin Péret comme dormeurs inspirés.
À partir de ce moment, Robert Desnos se livre à des travaux de recherche d'écriture dans des directions assez diverses : ainsi, c'est de cette époque que datent les premiers textes de Rrose Sélavy. Il participe aussi très activement aux diverses manifestations des surréalistes. En 1925, par exemple, il assiste, du côté enthousiaste, à la création de Locus solus.
1925, c'est l'année où il entre à Paris-Soir, comme caissier d'abord, comme journaliste ensuite. C'est également le moment où il écrit La Liberté ou l'Amour, ouvrage qui sera condamné pour obscénité par le tribunal de la Seine. Deux ans plus tard, il habite un atelier d'artiste au 45 de la rue Blomet, aujourd'hui détruit. Il y compose The Night of Loveless Nights (« La Nuit des nuits sans amour »), un poème lyrique et déchiré sur la solitude, curieusement écrit, comme Le Fard des Argonautes, en quatrains tout à fait classiques, beaucoup plus proches de Baudelaire que de Breton – en apparence toutefois : car les surréalistes n'auraient pas désavoué la révolte qui anime ces strophes émouvantes. On peut[...]
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Écrit par
- Jacques BENS : écrivain
Classification
Média
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