DESNOS ROBERT (1900-1945)
Du poète vers l'homme
L'évolution poétique de Robert Desnos a suivi celle de ses amis : quand il claque les portes du surréalisme, il passe de l'idée abstraite de Révolution au désir concret de changer le monde. S'il ne s'engage pas (comme Aragon, Eluard ou Prévert) dans l'action militante, il jette tout de même sa poésie dans la bataille humanitaire. Certes, il faudra la défaite et l'occupation allemande pour donner à cette bataille un sens politique précis. Mais, dès le début des années trente, et à travers une inspiration « quotidienne », le poète manifeste des préoccupations sociales. Comme Prévert, mais dans un style plus vigoureux, moins bon enfant, il parle de la misère, de la fraternité et des espoirs du peuple.
Aragon a bien dit, dans la préface des Yeux d'Elsa, comment l'invasion de la France par les troupes ennemies et l'urgence du combat clandestin ont tout d'un coup forgé une âme nouvelle aux poètes français : il devenait soudain nécessaire d'exprimer des sentiments simples et éternels, et de se faire entendre du plus grand nombre. Les grâces aristocratiques du Paysan de Paris ou de Deuil pour deuil perdaient alors toute importance.
Il est curieux, ou plutôt il est saisissant de voir avec quelle force et quel naturel Robert Desnos a retrouvé, dans Paris occupé, les sources vives de la poésie populaire. Les Couplets de la rue Saint-Martin, Le Veilleur du Pont-au-Change (signés du pseudonyme « Valentin Guillois ») sont parmi les plus beaux poèmes inspirés par la Résistance, et ne trahissent en rien le commis de droguerie qui s'inventait, trente ans plus tôt, des aventures méditerranéennes.
À travers les différentes voies où il a cheminé, tout au long de sa vie, il semble bien qu'un sentiment prépondérant et obstiné ait toujours animé Robert Desnos : un amour passionné de la liberté, source ici d'enthousiasme et de générosité, là de révolte et de fureur. C'est ainsi que, par-dessus la solitude, l'amitié, l'amour d'une femme, la réussite sociale et l'infinie scélératesse des hommes, le veilleur du Pont-au-Change n'a jamais cessé de tendre la main aux marins conquérants d'une rêveuse adolescence.
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Écrit par
- Jacques BENS : écrivain
Classification
Média
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