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ROBERT dom GUY DE CHAUNAC dit (1907-1997)

Guy de Chaunac, dont la famille paternelle était d'origine périgourdine, est né en 1907 à Nieul-l'Espoir dans la Vienne, où il passa son enfance dans la propriété maternelle. Au collège des jésuites de Poitiers, il montra peu d'intérêt pour les études, à l'exception du dessin. En 1925, il fut admis à l'École nationale des arts décoratifs de Paris où l'enseignement lui parut terne et conventionnel. Il avait gardé de son enfance campagnarde le goût des animaux, en particulier des chevaux ; son service militaire, effectué de 1927 à 1929 au 2e régiment de spahis à Marrakech, lui a inspiré une série de dessins et d'aquarelles qui révélèrent son talent lors d'une exposition à la galerie Bernheim-Jeune. À son retour à Paris, il dessina des modèles pour la maison de tissus et soyeux Ducharne à Lyon, menant une brillante vie mondaine dans le cercle de Jean Cocteau. Par son intermédiaire, il rencontra Jacques Maritain et se lia à Maxime Jacob, neveu de Max Jacob. En 1930, à la suite d'une retraite à l'abbaye bénédictine d'En Calcat dans le Tarn, les deux amis effectuèrent leur noviciat sous les noms de dom Robert et dom Clément. Jusqu'en 1937, date de son ordination, toute activité artistique fut interdite, car il devait se consacrer à l'étude de la théologie et de la philosophie. Lorsqu'il reprit ses pinceaux, dom Robert pensa d'abord réaliser des enluminures pour des Évangéliaires. La guerre et la débâcle devaient paradoxalement lui remémorer la simple beauté du monde : sur la route de Carcassonne, alors qu'il regagnait à pied son monastère, il constata avec émotion : « Les basses-cours du Tarn et de l'Aude furent pour moi les jardins de Babylone. »

La rencontre de Jean Lurçat, qui vint à En Calcat en 1941, amené par un ami commun, Jean d'Albis, devait se révéler déterminante. Lurçat, qui cherchait à intéresser des artistes à la tapisserie, vit immédiatement que l'univers végétal foisonnant des aquarelles de dom Robert se prêterait au tissage. Depuis 1937, Lurçat et quelques autres artistes avaient mis au point une méthode d'écriture du carton de tapisserie très stricte qui partait d'un tissage robuste et d'une gamme restreinte de couleurs, établie en accord avec le teinturier. Ainsi l'artiste devait réaliser le carton non plus à partir de gouaches, mais de laines teintes échantillonnées et numérotées. Cette méthode quasi sténographique devait convenir à dom Robert, car elle l'obligea à une écriture plus ferme, lui qui, de son propre aveu, affectionnait le fouillis. Sa rencontre avec les ateliers d'Aubusson lui révéla le langage particulier de la lisse, dont il apprécia les battages, ces interpénétrations puissantes de couleurs et surtout la chaleur de la laine teinte qui absorbe la lumière. Sa thématique se révéla très différente de celle de Lurçat ; il s'intéressa moins à la cosmogonie qu'à l'émerveillement éprouvé devant la nature et à la fraîche beauté d'un univers familier, animal et végétal. Il compara souvent sa démarche à celle de François d'Assise dans les Fioretti. Dès ses premières tapisseries, tissées chez Tabard à Aubusson, L'Été en 1942 et L'Automne en 1943, son style est affirmé, renouant avec la poésie luxuriante des Mille-Fleurs ces grandes suites tissées aux xve et xvie siècles, sans modelé, sans profondeur, qui savaient créer un monde merveilleux, intemporel et foisonnant. En dépit du succès immédiat de ses premières tapisseries, il connut une période de doute ; de 1948 à 1958, il vécut à Buckfast Abbey, dans le Devonshire, où il se plut à dessiner chevaux et moutons ; puis son retour à En Calcat généra une période d'intense création d'aquarelles et de tapisseries, exécutées principalement dans les ateliers Tabard et Goubely à Aubusson[...]

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Écrit par

  • : maître de conférences en histoire de l'art contemporain à l'université de Toulouse-II

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