FLUDD ROBERT (1574-1637)
Longtemps négligé, Fludd apparaît aujourd'hui comme une des plus remarquables figures du xviie siècle. Héritier de la tradition hermético-kabbalistique de la Renaissance, cet esprit encyclopédique, qui se heurta aux milieux du rationalisme naissant, prétendit, à travers une vaste description du macrocosme et du microcosme, restituer dans sa pureté la philosophie éternelle miraculeusement enseignée aux premiers hommes et contenue dans l'Écriture sainte.
Une œuvre considérable
Né à Milgate House (Kent), Fludd, qui latinisa son nom en de Fluctibus, entra en 1592 à St. John's College, à Oxford. Bachelier en 1596, maître ès arts en 1598, il voyagea ensuite pendant six ans sur le continent, étudiant la médecine paracelsiste et les sciences occultes. Il s'inscrivit ensuite à Christ Church College (Oxford) et fut reçu docteur en médecine (1605). Afin de s'installer à Londres, il demanda à être admis dans le Collège royal des médecins. Refusé en 1606, 1607 et 1608, à cause de son mépris pour le galénisme et de son arrogance, il fut accepté en 1609, et même élu censeur en 1618, 1627, 1633 et 1634.
C'est pour défendre les manifestes rosicruciens contre les attaques d'A. Libavius que Fludd publia en 1616 son premier ouvrage, l'Apologia compendiaria, qui reparut en 1617, considérablement augmenté, sous le titre de Tractatus apologeticus. Tout en priant les Rose-Croix de le recevoir dans leur société, Fludd y justifie la « bonne magie » (c'est-à-dire la magie soit « mathématique », soit kabbalistique, celle-ci reposant sur l'invocation des noms des anges), et présente un ambitieux programme de réforme des sciences, inspiré par la Monas hieroglyphica et J. Dee. Toujours en 1617, il fait paraître, sous l'anagramme de Rudolfo Otreb, un Tractatus theologo-philosophicus, sur la vie, la mort et la résurrection (où il aborde le problème de l'origine du mal en se référant à la tradition chrétienne, mais aussi aux Prisci theologi et à des mythes comme celui de Démogorgon) et, sous son nom, le tome I de sa monumentale Utriusque cosmi historia, qui ne comprend pas moins de sept volumes in-folio si l'on y inclut l'Anatomiae amphitheatrum (1623), où Fludd, qui y rapporte ses expériences alchimiques sur le blé, décrit l'anatomie physique et mystique du corps humain, et la Philosophia sacra et vere Christiana seu meteorologica cosmica (1626), qui étudie les météores, en tant que manifestations du divin, et leurs influences sur la santé. Avec cette Utriusque cosmi historia, Fludd entreprit de donner une description générale de l'origine et de la structure tant du macrocosme (l'Univers) que du microcosme (l'Homme), une analyse des correspondances et des rapports harmoniques qui les lient, ainsi qu'une encyclopédie des arts et des sciences par lesquels s'appréhendent ces deux « mondes ». Il ne mena cependant pas son projet jusqu'à son terme, l'abandonnant au profit de sa Medicina catholica (1629-1631, 4 vol.), qu'il laissa aussi inachevée, et où il expose non seulement ses vues médicales, mais encore sa métaphysique, dont elles dépendent étroitement. Il convient de noter que, dans le deuxième volume, le Pulsus, achevé en 1629, Fludd défend le De Motu cordis de son ami Harvey, qui confirmait sa propre conception cosmologique de la circulation du sang, celui-ci devant avoir un mouvement circulaire à cause de sa sympathie avec le Soleil. Dans le troisième volume, l'Integrum morborum mysterium (1631), il fait d'importantes spéculations sur le weather-glass, sorte de baromètre-thermomètre de son invention, qu'il érigea, en raison de son fonctionnement par contraction et dilatation d'un fluide, en symbole de l'Univers.
En marge de ces deux grandes sommes et de l'important traité posthume qui résume sa pensée, la Philosophia moysaica[...]
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Écrit par
- Sylvain MATTON : docteur en philosophie, attaché de recherche au C.N.R.S.
Classification
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