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FRANK ROBERT (1924-2019)

Photographe suisse émigré aux États-Unis, Robert Frank déserte très vite l'univers new-yorkais de la mode pour l'exploration du monde et porte un regard aigu, voire sévère sur ses contemporains. Si elle a fait école, cette manière de photographier sera abandonnée par un auteur de plus en plus intéressé par le cinéma expérimental, et enfin par la vidéo. L'œuvre prolifique de Frank reste marquée par la liberté de ses choix et la constance d'une certaine subjectivité.

Un photographe en liberté

Robert Frank naît le 9 novembre 1924 à Zurich. Formé à la photographie dès l'âge de dix-sept ans par un premier emploi d'assistant, il commence à photographier pour lui-même et rassemble en 1946 quarante de ses meilleures images dans un album fièrement intitulé Robert Frank, 40 photographs. Ce qui inaugure une imposante bibliographie va être aussi à l'origine de sa carrière professionnelle.

Robert Frank émigre aux États-Unis en 1947, s'installe à New York et parvient la même année à rencontrer Alexey Brodovitch. Convaincu de découvrir un talent, le tout-puissant directeur artistique de Harper'sBazaar l'embauche comme photographe de mode. Cependant l'univers des studios, fréquenté pour une collaboration féconde avec Harper'sBazaar, Fortune, Life et Look, se révèle vite trop étroit pour le jeune homme qui entreprend dès 1948 de voyager au Pérou, en Bolivie, et l'année suivante, en Europe, avec la France, l'Italie, la Suisse et l'Espagne. Partout, Frank pose le même regard sur les lieux qu'il traverse et les gens qu'il rencontre : une vision humaniste inspirée de la période new-yorkaise de Walker Evans, abolissant la distance qui sépare le reporter ou l'artiste de ses sujets. À la différence de Henri Cartier-Bresson qui allait bientôt publier son texte « L'Instant décisif », dans Images à la sauvette (1952), la proximité prime le cadrage, l'impatience du déclenchement devance le calcul de la scène. Frank réalise en 1949 un album de soixante-quatorze de ses photographies de Paris pour Mary Lockspeiser, femme sculpteur qu'il épouse l'année suivante et dont il aura deux enfants, Pablo, né en 1951 et Andrea en 1954. Edward Steichen s'intéresse à son travail et l'intègre dans l'exposition de groupe 51 American photographers (1950) au Museum of Modern Art de New York. Robert Frank est appelé trois ans plus tard à participer à Post-WarEuropeanPhotography, montée au même MoMA, et à laquelle il apporte une contribution notable dans le choix des photographies.

Banquiers londoniens, R. Frank - crédits : Y. Bresson/ Musée d'art moderne, Saint-Etienne-Métropole

Banquiers londoniens, R. Frank

Un second voyage en Europe le conduit entre 1952 et 1953 à Paris, en Espagne, à Londres, au pays de Galles et en Suisse. À Paris, la rencontre avec Robert Delpire sera déterminante dans le parcours de Robert Frank, avec une première publication dans la revue Neuf en 1952, et surtout l'édition en 1956 d'un premier vrai livre Indiens pas morts, où ses images d'Amérique latine côtoient celles de Pierre Verger et de Werner Bischof. La bourse de la photo de la Fondation Guggenheim, attribuée en 1955 et renouvelée en 1956, lui permet de suspendre ses travaux commerciaux pour parcourir les États-Unis. De la somme d'images et de notes prises pendant ces deux années sur des sujets aussi divers que la politique, la sexualité, le chômage, la religion ou le dollar, Robert Delpire tirera la matière du livre Les Américains, publié en 1958, et dont l'édition américaine s'enrichit l'année suivante d'un texte de Jack Kerouac. Malgré une réception mitigée aux États-Unis à cause de l'image sombre qu'il donne du pays, le livre contribue à la notoriété de Robert Frank et servira de référence à toute une génération de photographes.

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Banquiers londoniens, R. Frank - crédits : Y. Bresson/ Musée d'art moderne, Saint-Etienne-Métropole

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