GARNIER ROBERT (1544-1590)
Poète et dramaturge français. Originaire du Maine, après avoir étudié le droit à Toulouse, Robert Garnier est en 1567 avocat au parlement de Paris, conseiller au présidial du Mans en 1569 et lieutenant criminel du Maine en 1574. Conseiller du roi Henri II avant de passer à la Ligue, il trépassa en pleine guerre civile. Bien que, dès 1566, il ait été lauréat aux Jeux floraux de Toulouse pour des Plaintes amoureuses apparentées à la poésie de la Pléiade, il abandonna tôt le lyrisme pour s'adonner au théâtre. On lui doit néanmoins quelques poèmes académiques à thème officiel. Citons notamment : Chant royal allégorique des troubles passés de la France, Hymne à la monarchie, Épitaphe de la reine d'Espagne, Élégie sur la mort de Ronsard.
Les tragédies de Garnier ont été écrites durant la période sans doute la plus creuse de l'histoire du théâtre français. Le temps n'est pas loin où l'Écossais Buchanan composait en latin des tragédies françaises. Entre l'exécution par le parlement du mystère médiéval (1548) et Corneille s'écoula presque un siècle de recherches, de tâtonnements, de tentatives dans des directions fort diverses. À vol d'oiseau, une époque médiocre sans réussite éclatante, un temps somme toute embryonnaire durant lequel le théâtre sérieux demeura confiné dans des cercles érudits ou mondains dont il ne franchit que rarement l'audience. Comme il se doit, le théâtre de la Renaissance se réfère aux Anciens et l'imitation y est de règle. Depuis la Cléopâtre de Jodelle (1553), on s'essaye à la tragédie. Il est juste de dire que ces essais ne constituent ni des tragédies grecques ou latines ni des tragédies françaises à la manière de Corneille ou de Racine ; il s'agit d'un genre intermédiaire qu'on a pu dénommer « élégies dramatiques » en raison de leur manque d'action, de l'aspect monolithique des caractères ainsi que de leurs effusions lyriques. On y rangera sans difficulté les premières pièces de Garnier : Porcie, épouse de Brutus (1568), Hippolyte, fils de Thésée (1573) et Cornélie, épouse de Pompée (1574). L'influence de Sénèque y domine. En revanche, Marc-Antoine (1578), La Troade ou la destruction de Troie (1579) et Antigone (1580) témoignent d'un désir de creuser les caractères et de gonfler un peu l'action. Les Juives (1583) sont en général considérées comme son chef-d'œuvre, et il arrive qu'on les porte encore aujourd'hui à la scène. Ce drame biblique ne manque pas d'allant, les personnages sont en chair et en os ; ils respirent, ils luttent et ne se contentent pas d'émettre des lamentations.
Garnier passe également pour avoir donné à la France sa première tragi-comédie, Bradamante (1582). Empruntée à l'Arioste, cette pièce d'amour et de chevalerie qui finit heureusement avait de quoi plaire. Il faut reconnaître à Garnier qu'il n'a cessé de progresser au fil de son œuvre, ce qui fait peut-être de lui le meilleur dramaturge français du xvie siècle. Qu'il annonce le vers médaille de Corneille, précède par son Hippolyte le Racine de Phèdre, que Shakespeare ait lu son Marc-Antoine n'empêche pas que, entre eux et lui, il y a toute la distance qui sépare le talent du génie.
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Écrit par
- Hubert HARDT : professeur honoraire, critique de cinéma
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