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JOHNSON ROBERT LEROY (1911-1938)

Désormais considéré comme un des plus grands artistes du xxe siècle, inspirateur de la plupart des rock stars des années 1960 et 1970, Robert Johnson a, durant sa vie, d'abord été un bluesman du Delta du Mississippi parmi d'autres, inscrit dans la stricte mouvance de son mentor Son House. Sa courte œuvre enregistrée n'a guère eu d'impact commercial de son vivant, mais elle a cependant fini par donner de nombreux classiques, comme Dust My Broom, Sweet Home Chicago, Walkin' Blues, Kindhearted Woman Blues, Crossroads Blues, Terraplane Blues, Love in Vain... Mais ce sont essentiellement les versions ultérieures par des bluesmen de Chicago ou par des rockers britanniques qui ont imposé ces titres parmi les grands standards du blues.

Né dans le Delta, à Hazlehurst, probablement le 8 mai 1911, Robert Johnson est très jeune davantage intéressé par la musique que par le travail. Influencé par les disques de Lonnie Johnson, il ira même jusqu'à se faire passer pour un de ses parents. Ses rencontres avec les grands bluesmen locaux comme Charlie Patton et Son House le décident à vivre de la musique. Il parcourt le Delta, jouant ici et là pour quelques dollars et l'hébergement. Dans ses pérégrinations incessantes, il s'associe avec plusieurs futurs grands bluesmen comme Tommy McClennan, Henry Townsend, Johnny Shines, Sonny Boy Williamson (« Rice » Miller), Honeyboy Edwards, Elmore James ou Robert Jr. Lockwood. Robert Johnson mène la vie chaotique d'un être instable, irritable et secret ; grand buveur et coureur invétéré, il s'attire des ennuis constants. Cette personnalité se reflète dans ses compositions, sombres, dramatiques, pleines d'images hallucinantes, avec une interaction entre la voix, le texte et la guitare qui font de son œuvre certainement l'une des plus prenantes de l'histoire du blues.

Remarqué par un talent scout, Robert Johnson part pour San Antonio, au Texas, afin d'enregistrer pour le label ARC, une filiale de Columbia, vingt-neuf titres en trois séances, en 1936 et 1937. Ces disques se vendent mal, mais ils frappent certains auditeurs par leur force, notamment le producteur new-yorkais John Hammond. Celui-ci veut amener Johnson à New York pour le présenter au Carnegie Hall à un public blanc nordiste, pour le célèbre concert From Spirituals to Swing du 23 décembre 1938. Il le fait rechercher dans le Delta mais apprend alors que Robert Johnson, encore au centre d'une histoire de femmes, est mort empoisonné après une nuit d'agonie dans un bouge de Greenwood (Mississippi), le 16 août 1938. Hammond le remplacera par Big Bill Broonzy. L'œuvre de Johnson allait cependant être perpétuée et modernisée à Chicago par ses compagnons – Muddy Waters, Elmore James, Johnny Shines, Honeyboy Edwards... –, preuve de la force de ce jeune bluesman.

C'est cependant avant tout la fascination de Hammond pour cet artiste singulier qui va faire de Robert Johnson un pilier de la mythologie folk : forçant le trait et enjolivant la réalité, Hammond fait de Johnson un chanteur écorché vif et un guitariste torturé, au blues tourmenté empli de références au Démon. Les 78-tours de Johnson deviennent objets de collection et d'étude. Lorsque Hammond réédite pour la toute première fois, en 1961, une sélection de titres de Robert Johnson sur microsillon, l'admiration pour cette œuvre étrange se répand aux États-Unis parmi les amateurs blancs, et à travers le monde, particulièrement en Angleterre. Jouer Robert Johnson devient une obligation pour tout apprenti guitariste. Robert Johnson fascine les Rolling Stones, qui adaptent Stop Breaking Down puis Love in Vain. Eric Clapton, orphelin à la recherche d'une image de père, idolâtre presque jusqu'à la paranoïa ce bluesman sans visage ; il enregistre en 1973 Crossroads, qui sera un de ses premiers grands succès.[...]

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